đ 2022-05-04 16:57:12 â Paris/France.
LâannĂ©e derniĂšre, Londres a enregistrĂ© le plus grand nombre annuel de meurtres dâadolescents Ă ce jour : 30 garçons â tous des garçons â ont Ă©tĂ© tuĂ©s dans la capitale. La plupart des personnes tuĂ©es, 26, ont Ă©tĂ© victimes de crimes avec un couteau. Trois ont Ă©tĂ© abattus et un est mort dans un incendie criminel. La grande majoritĂ© Ă©tait noire ou issue dâune minoritĂ© ethnique, et beaucoup ont Ă©tĂ© tuĂ©s par dâautres adolescents ou des hommes au dĂ©but de la vingtaine. Le plus jeune Londonien poignardĂ© Ă mort avait 14 ans : le vendredi 23 avril, peu avant 16 heures, Fares Maatou a Ă©tĂ© attaquĂ© avec ce que la police a dĂ©crit Ă lâĂ©poque comme un « gros objet pointu », Ă Barking Road, Canning Town, East London. Ses assassins prĂ©sumĂ©s ont pris le scooter Ă©lectrique que Fares conduisait, le laissant mourir dans la rue devant Zzetta Soul Food Pizza. Un groupe de passants a tentĂ© de le sauver. Un tĂ©moin a rapportĂ© que les gens ont suppliĂ© : « RĂ©veillez-vous ! RĂ©veillez-vous ! « Essayez de respirer ! » Lorsque la mĂšre de Fares est arrivĂ©e sur les lieux, elle est devenue si bouleversĂ©e quâelle a perdu connaissance. Lâambulance aĂ©rienne a Ă©tĂ© mobilisĂ©e. Les ambulanciers sont arrivĂ©s. Ă 16 h 30, un peu plus dâune demi-heure aprĂšs avoir Ă©tĂ© attaquĂ©, Fares a Ă©tĂ© dĂ©clarĂ© mort. On dit quâil espĂ©rait, aprĂšs ses Ă©tudes, poursuivre une carriĂšre dâingĂ©nieur. Il est mort dans son uniforme scolaire.
En quelques jours, quatre adolescents ont Ă©tĂ© arrĂȘtĂ©s en lien avec la mort de Fares. Deux garçons, ĂągĂ©s de 14 et 15 ans, ont Ă©tĂ© accusĂ©s de son meurtre. Les deux accusĂ©s nient les accusations. Le jeune de 15 ans, qui a Ă©tĂ© arrĂȘtĂ© avec cinq autres jeunes Ă une adresse de Leyton, a Ă©galement Ă©tĂ© accusĂ© dâĂȘtre liĂ© Ă la fourniture de crack et dâhĂ©roĂŻne. Son procĂšs est prĂ©vu en aoĂ»t. Lâobjet pointu aurait Ă©tĂ© une Ă©pĂ©e dissimulĂ©e dans une canne.
Avant Covid, nous aurions qualifiĂ© lâaugmentation de la criminalitĂ© au couteau Ă Londres dâĂ©pidĂ©mie. Maintenant, nous savons mieux. Mais pour un certain groupe dĂ©mographique, les centres-villes britanniques, leurs foyers mĂȘmes, sont devenus des piĂšges mortels. East London abrite certaines des poches de privilĂšges les plus Ă©lĂ©gantes et les plus dĂ©sirables au monde, ainsi que certaines des zones urbaines les plus dĂ©favorisĂ©es et les plus dangereuses dâEurope. La pandĂ©mie nâa fait quâaggraver les problĂšmes. Les jeunes sont harcelĂ©s partout : coupes dans les services sociaux ; crise de santĂ© mentale; dĂ©sintĂ©gration familiale. La crise actuelle du coĂ»t de la vie ne fera quâaggraver tout cela, car le problĂšme est avant tout Ă©conomique. Le nombre dâenfants pauvres au Royaume-Uni devrait atteindre cinq millions cette annĂ©e. Cela signifie que trois enfants sur dix ont des difficultĂ©s Ă obtenir de leurs parents une nourriture de base, des vĂȘtements et un abri.
Ce sont les enfants et les jeunes que nous connaissons, et le leur est le monde sombre dĂ©crit dans la sĂ©rie Netflix TopBoydont la quatriĂšme saison a commencĂ© Ă ĂȘtre diffusĂ©e en mars. TopBoy est un drame policier tendu et dĂ©chirant, du genre quâil est difficile de regarder sans grimacer, sur lâascension, la chute et la rĂ©surgence dâun gang de trafiquants de drogue Hackney, dâennemis et dâassociĂ©s, dâamis et dâamants, de mĂšres malades et de jeunes frĂšres et sĆurs en difficultĂ©.
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TopBoy Il ne sâagit pas seulement des faibles et des impuissants, bien que presque tous les personnages soient sans doute victimes des circonstances : lâinjustice dâĂȘtre nĂ© pauvre Ă Londres. Si vous aimez les gangsters Ă capuche de Stone Island, montez Ă lâarriĂšre du SUV pour parcourir les bords des gangs rivaux Ă la recherche dâennuis tĂŽt le matin. Lâhomme a besoin dâun peu de viande pour manger avec ses lĂ©gumes, et comme Le Fil (2002-2008), le drame phĂ©nomĂ©nal de HBO (et lâune des meilleures sĂ©ries de tous les temps) avec lequel TopBoy est le plus souvent comparĂ©e, la sĂ©rie offre la sĂ©duction â douteuse, mais difficile Ă rĂ©sister â dâune entrĂ©e sans consĂ©quence, pour le spectateur aisĂ©, dans une pĂšgre criminelle. Nous apprenons le jargon. Ceux qui gagnent leur vie dans la rue sont des « routiers ». Les dealers sont des tireurs. La drogue est de la nourriture. Lâargent est Ps. Nous savons saluer amis et ennemis avec un « Quoi de neuf ? » Et repartez avec un « dans un moment » sans engagement. Sâil existe une rĂ©ponse universelle aux vicissitudes de lâexistence quotidienne dans TopBoy, est un Ă©clat et un grincement de dents dĂ©solĂ©. Ce nâest pas tout Ă fait un « alors ça va ». Câest plus en colĂšre, et plus dĂ©sespĂ©rĂ© que ça.
La principale diffĂ©rence avec Le Fil est la portĂ©e. Dans ce document panoramique sur la vie en premiĂšre ligne des guerres de la drogue Ă Baltimore, le crĂ©ateur David Simon a adoptĂ© une approche Ă la Dickens, tentant de mesurer toute la ville en dĂ©composition, du coin de la rue au gratte-ciel. Le Fil emmĂšne son public Ă lâintĂ©rieur du bureau du maire de Baltimore, des palais de justice, des Ă©coles, des postes de police, des salles de rĂ©daction de la ville â ainsi que de ses maisons de crack. Câest un genre Ă part entiĂšre : le thriller civique. Il traite Ă la fois du processus et de la narration.
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Lâapproche de TopBoy câest plus Ă©troit. Nous avons pris lâascenseur du penthouse au trottoir, comme dans Le Fil, mais ici le grenier est la maison dâun trafiquant de drogue, et le trottoir est lâendroit oĂč il vend sa drogue. Nous quittons rarement le domaine fictif de Summerhouse, et quand nous le faisons, câest toujours en compagnie de ses rĂ©sidents, et gĂ©nĂ©ralement pour des raisons nĂ©fastes.
Lâapproche est diffĂ©rente, mais le rĂ©sultat est tout aussi efficace : montrer comment une sociĂ©tĂ© (notre sociĂ©tĂ©, dans le cas de TopBoy), systĂ©matiquement, honteusement et, il faut bien le dire, parfois dĂ©libĂ©rĂ©ment, Ă©choue ses membres les plus vulnĂ©rables, les trĂšs jeunes, les trĂšs vieux, les trĂšs pauvres, les marginalisĂ©s, les minoritĂ©s. En outre, la façon dont les conditions que nous permettons de sâinstaller dans les soi-disant «zones de puits» de Grande-Bretagne crĂ©ent des opportunitĂ©s pour que les crimes violents sâenveniment. Certaines des scĂšnes les plus accablantes de TopBoy ce sont celles oĂč les enfants sont recrutĂ©s, contre leur grĂ©, par des gangs, avec promesse dâargent et de protection, mais surtout dâamitiĂ©, dans une famille quâils ne trouvent nulle part ailleurs. personne dans TopBoy rejoint un gang pour le plaisir. Les jeunes membres du gang TopBoy ils ne se sentent pas, en gĂ©nĂ©ral, forts. Ils ont peur. Bennett, comme David Simon, est un homme de gauche. Son spectacle est profondĂ©ment politique, une furieuse dĂ©nonciation de la politique sociale.
Rare est lâĆuvre dâart, en particulier lâĂ©mission de tĂ©lĂ©vision contemporaine, qui vous fait porter un nouveau regard sur votre propre environnement immĂ©diat. Pour les Londoniens de longue date comme moi, dont lâexistence bourgeoise confortable cĂŽtoie lâenvironnement beaucoup plus granuleux quâelle prĂ©sente TopBoy, Londres â Londres riche, sexy et sophistiquĂ©e â prend un nouveau look : dure, effrayante, dĂ©sespĂ©rĂ©e et dĂ©sespĂ©rĂ©ment pauvre. Cela ne devrait ĂȘtre une nouvelle pour personne, bien sĂ»r, mais câest rarement dramatisĂ© de maniĂšre aussi convaincante. La vie des habitants de lâurbanisation Summerhouse se dĂ©roule Ă lâombre, presque littĂ©ralement, des tours de verre et dâacier de la City de Londres, qui abrite lâune des plus grandes concentrations de richesses de lâhistoire de lâhumanitĂ©. Les inĂ©galitĂ©s stupĂ©fiantes de la vie Ă Londres au 21e siĂšcle â des inĂ©galitĂ©s que nous voyons et que nous ignorons pour la plupart tous les jours â ont rarement Ă©tĂ© montrĂ©es plus directement.
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TopBoy a commencĂ© en 2011 comme un drame percutant de Channel Four, crĂ©Ă© par lâĂ©crivain nord-irlandais Ronan Bennett, pour qui la sĂ©rie est un triomphe dâenquĂȘte et de reportage dĂ©taillĂ©s, ainsi quâun exploit dâimagination empathique. La rĂ©cente tendance dĂ©primante Ă dĂ©noncer les Ă©crivains, acteurs, cinĂ©astes et autres qui osent raconter des histoires sur des personnes issues de milieux et de communautĂ©s autres que la leur est certainement dĂ©montrĂ©e par le succĂšs de Bennett avec TopBoy.
Les personnages principaux de TopBoy sont une paire dâassociĂ©s de la pĂšgre, les gangsters Dushane et Sully, interprĂ©tĂ©s par Ashley Walters, autrefois connu sous le nom dâAsher D du collectif de garage britannique So Solid Crew, et Kane Robinson, alias Kano, le MC pionnier de la pĂšgre. . Il a durĂ© deux saisons courtes et pointues avant dâĂȘtre annulĂ© en 2013. Ă la demande de la superstar canadienne Drake, apparemment un super fan de TopBoy, Netflix a commandĂ© une nouvelle sĂ©rie en 2019, dans laquelle il rattraperait Dushane et Sully, maintenant dans la trentaine, se battant toujours pour le contrĂŽle du Summerhouse, combattant toujours leurs propres dĂ©mons puissants. Plus Ă©lĂ©gant, plus long, mais non moins viscĂ©ral dans son attrait, le TopBoy Netflix, avec Bennett de retour en tĂȘte, est, en tout cas, encore meilleur que la version Channel Four.
ConfusĂ©ment, Netflix appelle les deux nouvelles sĂ©ries « Saison 1 » et « Saison 2 ». Les deux premiĂšres saisons originales sont Ă©galement disponibles sur Netflix, dĂ©sormais rebaptisĂ© Maison dâĂ©tĂ© Top Boy. Il nâest absolument pas nĂ©cessaire de regarder ces premiers Ă©pisodes pour profiter des plus rĂ©cents, mais vous les ratez si vous ne le faites pas.
Le casting de rappeurs dans les rĂŽles centraux est intelligent et appropriĂ©. Pendant longtemps, le hip hop a Ă©tĂ© accusĂ© de glorifier la violence, de romantiser la criminalitĂ©. Sa dĂ©fense a toujours Ă©tĂ© que le rap est un documentaire du ghetto, un commentaire social : une sĂ©rie de reportages urgents de lâintĂ©rieur du problĂšme. Lâun des premiers succĂšs du hip-hop, ĂągĂ© de 40 ans cet Ă©tĂ©, sâappelait simplement « The Message ». Il sonne encore puissant aujourdâhui.
TopBoy il porte un regard admirablement ambivalent sur ses protagonistes. Dushane et Sully font des choses effrayantes. Ses motivations sont illustrĂ©es, mais non justifiĂ©es ou expliquĂ©es. Nous savons quâil existe dâautres options possibles, comme en tĂ©moignent le frĂšre de Dushane, Chris, et lâex Taylor de Sully, choisissant la respectabilitĂ© de neuf Ă cinq plutĂŽt que la vie dans la rue. Dâautres aperçus du succĂšs de la classe moyenne noire sont offerts. Nous devons dĂ©cider sâil faut pardonner ou condamner ceux qui mĂšnent une vie de crime. Peut-ĂȘtre vaut-il mieux ne rien faire, mais simplement regarder et Ă©couter. Les personnages sont compliquĂ©s, les performances nuancĂ©es. Aimons-nous Dushane et Sully ? Ressentons-nous de la sympathie ? Je ne connais pas la rĂ©ponse. Mais je sais que je ne peux pas les quitter des yeux.
En tant que charismatique Dushane, Walters offre une performance de contrĂŽle en douceur. Un homme formidablement beau et bien bĂąti avec des yeux lourds et vigilants, son Dushane est un serpent enroulĂ©, alors vous vous demandez parfois sâil a cessĂ© de respirer, mais prĂȘt Ă frapper en permanence. Le Soulful Sully de Kano nâest pas moins magnĂ©tique, mais beaucoup moins stable : un homme timide, dangereux et abĂźmĂ©, traumatisĂ© par son sombre passĂ©.
Ces deux-lĂ sont entourĂ©s dâun casting tout aussi formidable. Des deux saisons deâŠ
SOURCE : Reviews News
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