đ 2022-11-22 06:00:00 â Paris/France.
SebastiĂĄn Lelio, le rĂ©alisateur chilien qui a remportĂ© lâOscar du meilleur film en langue Ă©trangĂšre en 2017 pour une femme fantastiquefait ses dĂ©buts Le prodige, avec Florence Pugh (Ne tâinquiĂšte pas ma chĂšre, Black Widow). Le long mĂ©trage est basĂ© sur le roman dâEmma Donoghuey qui se dĂ©roule dans un village ultra-catholique de lâIrlande du XIXe siĂšcle oĂč une fillette de 11 ans affirme quâelle nâa pas mangĂ© depuis quatre mois et quâelle survit miraculeusement grĂące Ă â Manna from Heavenâ, il est dĂ©sormais disponible sur Netflix aprĂšs son passage Ă©phĂ©mĂšre dans les salles de cinĂ©ma.
« Câest un moment de transition que nous vivons, mais aussi de contradictions et de paradoxes. Le film nâexisterait pas sans Netflix., mais jâaurais aimĂ© quâil passe par plus de pays, par plus de cinĂ©mas, par plus de salles⊠bien sĂ»r. Mais en mĂȘme temps je leur suis trĂšs reconnaissant dâavoir pu le faire », reconnaĂźt le metteur en scĂšne dans un entretien Ă Europa Press dans lequel il rĂ©flĂ©chit Ă la nĂ©cessaire coexistence des thĂ©Ăątres et des plateformes traditionnels.
En ce sens, Lelio assure que le « dĂ©solé » quâil sente que son dernier film « nâest pas dans les salles partout depuis plus longtemps » Câest en partie compensĂ© par la « curiosité » qui lâĂ©veille que du jour au lendemain son film sera disponible sur 240 millions dâĂ©crans grĂące Ă la plateforme. « Jâessaie de comprendre, moi aussi je suis nouveau lĂ -dedans », insiste le cinĂ©aste chilien, qui prend ses distances avec ces voix, certaines trĂšs autoritaires et prestigieuses, qui voient dans le « boom » du Streaming le dĂ©but de la fin de cinĂ©ma.
Partir dâune vision « non apocalyptique, mais intĂ©grĂ©e », le rĂ©alisateur espĂšre que peu Ă peu le panorama sâĂ©claircira et fera naĂźtre « une relation plus hybride » qui, sans renier « la popularitĂ© et lâĂ©norme portĂ©e des plateformes », permettra lâexistence du cinĂ©ma en salles ». dĂ©clare sa mort depuis sa naissance. Il allait ĂȘtre tuĂ© par le son, la tĂ©lĂ©vision, la VHS, le cĂąble⊠et bien sĂ»r, Internet. Je crois que le cinĂ©ma dans les salles ne mourra pas, mais le sang coulera en cours de route », prĂ©dit-il.
Dans sa rĂ©flexion, Lelio met un accent particulier sur la protection et le soin de ce « petit cinĂ©ma, mĂȘme de la classe moyenne », qui est « acculé » sur le panneau dâaffichage par les gros blockbusters. « Je ne peux pas concevoir une ville contemporaine sans salles de cinĂ©ma (âŠ) Mais il faut des regards et des lectures multiples pour que le cinĂ©ma remplisse sa fonction », clame le rĂ©alisateur qui, revenant sur âLe Prodigeâ, avoue avoir Ă©tĂ© « fasciné » dĂšs quâil a lu le roman dâEmma Donoghue.
« Je me suis Ă©motionnellement connectĂ© avec Lib, lâinfirmiĂšre principale. Une femme rationnelle, scientifique et moderne qui est convoquĂ©e par un groupe dâhommes dâIrlande en 1862 pour observer, mais sans intervenir, une jeune fille qui nâa vraisemblablement pas mangĂ© depuis quatre mois », raconte le rĂ©alisateur qui met en avant le « magnĂ©tique » et « presque envoĂ»tante » de Florence Pugh mais aussi du plus jeune KĂla Lord Cassidy.
science contre fanatisme
Deux personnages, souligne le rĂ©alisateur, qui « ont besoin de se sauver » et entre lesquels sâinstaure un lien de « sororité » qui se transforme peu Ă peu pour « devenir un amour presque maternel ». Une relation complexe dans un environnement radicalisĂ© et hostilejuste une dĂ©cennie aprĂšs la grande famine irlandaise, dans laquelle le personnage de Puig devra faire face à « un voyage de la raison pour affronter le fanatisme religieux et le dilemme moral de savoir quoi faire avec la fille ».
« On ne traite pas de lâexistence ou pas de Dieu, le film ne parle pas de ça. Il parle de deux maniĂšres de lire la rĂ©alitĂ© et du pouvoir de la fiction dans nos vies. De la façon dont les histoires, les histoires, deviennent pouvoir et contrĂŽle politique », se dĂ©fend Lelio, qui justement avec cette alerte interpelle le spectateur au dĂ©but et Ă la fin du film. Une sorte d' »avertissement » Ă transfĂ©rer de lâautre cĂŽtĂ© du Ă©cran « la responsabilitĂ© de remettre en question ce que lâon croit » pour « ne pas laisser nos croyances, notre religion ou notre idĂ©ologie penser Ă notre place ».
Ce sont, selon le rĂ©alisateur, les « forces » qui sâaffrontent dans Le prodige oĂč dâun cĂŽtĂ© se trouve « le fanatisme religieux de la communautĂ© qui a trouvĂ© sa vĂ©ritĂ©, elle opĂšre Ă partir de lĂ , elle dĂ©forme la rĂ©alitĂ© Ă partir de lĂ et est mĂȘme prĂȘte Ă ce quâune fille meure pour conserver le pouvoir que cette vĂ©ritĂ© leur donne » et dâautre part la « polyvalence et lâĂ©lasticitĂ© intellectuelle » de Lib, lâinfirmiĂšre en chef « qui parce quâelle est un scientifique a un plus grand lien avec lâincertitude, la capacitĂ© Ă se conformer et Ă remettre en question ».
Un choc, celui de « cette Ă©lasticitĂ© et cette rigidité », qui est aussi « trĂšs 2022 ». « Le film a quelque chose de ça, de dire au spectateur âRĂ©veillons-nous ! Alerte ! Ne vous endormez pas devant le pouvoir de la fiction, pas mĂȘme du film lui-mĂȘme, mĂ©fiez-vous de lâhistoire, mĂȘme de celle-ci.â sens, le film essaie dâĂȘtre en lui-mĂȘme le problĂšme lorsquâil se retourne vers le spectateur pour lui demander quel type de croyant il est, sâil croit en ce quâil croit, quâil soit rigide ou Ă©lastique », expose le rĂ©alisateur qui se dĂ©finit comme « élastique  » essayer avoir une « attitude scientifique envers la rĂ©alité« .
« Je me mĂ©fie de toutes les histoires, mais en mĂȘme temps jâadmire toutes les histoires qui ont de la beauté », dit le rĂ©alisateur qui en Le prodige prĂ©sente le spectateur une proposition trĂšs ambitieuse intellectuellementmais aussi visuellement, avec des lieux rĂ©els bruts mais imposants et une photographie soignĂ©e qui manie avec Ă©lĂ©gance le clair-obscur dâAri Wegner.
Atteindre prĂ©cisĂ©ment cet Ă©quilibre entre « honorer les thĂšmes quâil explore, qui sont dĂ©licats et durs contre lesquels on ne peut pas ĂȘtre frivole, et le plaisir visuel« , Ă©tait le grand dĂ©fi de Lelio dans ce film. « Alfred Hitchcock disait quâun film ne doit pas ĂȘtre un morceau de vie, mais un morceau de gĂąteau. Et je crois quâil y a lĂ une part de vĂ©ritĂ©, car trouver lâĂ©quilibre entre le plaisir esthĂ©tique et la douleur des thĂšmes a Ă©tĂ© le plus difficile (âŠ) Nous voulions de la splendeur esthĂ©tique et de lâacuitĂ© thĂ©matique et que les deux choses ne sâannulent pas dehors », conclut-il.
SOURCE : Reviews News
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