đ 2022-03-23 14:00:48 â Paris/France.
Parfois la vie vous surprend. Parfois tu trouves un billet de cinquante euros par terre et dâautres vous trouvez une adaptation vibrante, dâune BD trĂšs juste, au milieu de ces tiroirs dâinterminables nouvelles hebdomadaires que sont les plateformes de diffusion.
Car âSuper Crooksâ a Ă©tĂ©, pour celui qui Ă©crit ceci, lâune des plus agrĂ©ables surprises sur Netflix en 2021. Inattendu, pour ce que je vais vous dire ci-dessous, mais comprĂ©hensible une fois que vous savez qui est responsable derriĂšre, comme vous le verrez encore plus tard.
La pĂ©piniĂšre dâidĂ©es
Comme je lâai dĂ©jĂ mentionnĂ© dans lâarticle sur âJupiterâs Legacyâ, la bande dessinĂ©e âSuper Crooksâ fait partie de la Monde Millarla ligne de bandes dessinĂ©es crĂ©Ă©e par lâĂ©crivain Marc Millier aprĂšs des annĂ©es Ă travailler pour Marvel ou DC et Ă engraisser sa renommĂ©e en tant que dĂ©batteur narratif audacieux.
Mark Millar, posant avec sa réinterprétation de Shazam
De son petit coin dâĂ©dition, il a Ă©crit plusieurs super-hĂ©ros et dâautres Ćuvres basĂ©es sur des concepts, tels que âCrononautsâ, quâil a presque certainement Ă©crit uniquement avec lâidĂ©e dâune poursuite en voiture, âProdigyâ, imaginĂ© aprĂšs un marathon de âSherlock â de Benedict Cumberbatchou ce « Kingsman » qui entend reproduire lâarchĂ©type de lâespion anglais.
La chose la plus remarquable Ă propos de ce label, et ce qui a causĂ© son achat par Netflix, câest que chacune des Ćuvres est conçue pour son passage au grand Ă©cran. Une prĂ©sentation fugace des personnages, une partie centrale avec ses moments forts et son apparente dĂ©faite, et le petit salut Ă la fin pour que lâon aborde la suite avec enthousiasme. Oh, et agrĂ©able indĂ©pendammentafin que chaque Ćuvre puisse aller dans diffĂ©rentes sociĂ©tĂ©s de production et Ă©viter les dĂ©sordres juridiques Ă la Marvel, en plus dâĂ©viter les dĂ©sordres de cohĂ©rence des grands.
A lâextĂ©rieur, le triomphe dâun artiste Ă bĂątir un petit empire pour jouer le mĂȘme rĂŽle que les grandes multinationales. Pour le lecteur, cependant, câest une succession de BD avec de bons concepts, alourdis par la prĂ©cipitation et le manque de concentration Ă©vident dâun scĂ©nariste avec une cuillĂšre trempĂ©e dans douze ragoĂ»ts diffĂ©rents.
Et de lĂ est venu âSuper Crooksâ.
quelque part en Espagne
Le crochet avec lequel beaucoup dâentre nous mordent dans âSuper Crooksâ, qui compte comme co-conteur avec Nacho Vigalondocâest quâune poignĂ©e de petits super-vilains, commandĂ©s par lâĂ©lectrique Johnny Bolt, ils dĂ©cident de prendre un gros coup en Espagne, marre de se faire tabasser dans le pays qui compte le plus de super-hĂ©ros par habitant au monde.
Cependant, le dĂ©cor nâajoute aucune valeur, pas mĂȘme une nuance, Ă lâhistoire. Pour quâon se comprenne, ils ne prĂ©voient pas de piller Banco Santander ou de braquer Amancio Ortega, mais de braquer un super-vilain amĂ©ricain, surnommĂ© El Bastardo pour sa prĂ©dilection Ă tuer absolument tous les proches de ceux qui lui touchent le nez.
Johnny Bolt se retrouve le visage plié dÚs le début de la bande dessinée
Et câest lĂ quâon se rend compte : le dĂ©tail de lâEspagne nâest pas fait pour assaisonner lâhistoire. En fait, lâintrigue peut se dĂ©rouler dans nâimporte quel pays autre que les Ătats-Unis : câest un type de scĂ©nario trĂšs juteux Ă Hollywood car cela leur permet de faire un film partout oĂč ils peuvent obtenir un financement et une aide Ă la production, avec lâavantage supplĂ©mentaire de donner aux tĂ©lĂ©spectateurs une touche exotique. Comme presque tous les films Adam Sandler entre 2010 et 2020, qui sont prĂ©textes Ă lâhumoriste pour partir en vacances.
Autrement, Câest une belle bande dessinĂ©e qui montre des moyens et avait besoin de plus de nombre pour se dĂ©velopperau-delĂ de simples archĂ©types, Ă ses personnages, en particulier Kasey, son personnage fĂ©minin, quelque chose dâautre dâhabituel dans les Mille de nombreuses rĂ©volutions et le faible indice dâoctane de sa rĂ©cente Ă©tape productive.
devenir japonais
La facilitĂ© de placer lâintrigue dans nâimporte quelle autre partie du monde est Ă©vidente dans les quatre derniers Ă©pisodes de lâanime âSuper Crooksâ, qui adaptent presque textuellement la bande dessinĂ©e originale. Le bĂątard est Ă la retraite, oui, mais sur une Ăźle au Japonet ce changement gĂ©ographique nâaffecte pas lâargument.
Ce qui diffĂšre de lâoriginal, câest quâils ont Ă©radiquĂ© les blagues homophobes, ce qui est normal pour un scĂ©nariste habituĂ© Ă Ă©crire sur des hommes qui doivent ĂȘtre trĂšs machos ou, sinon, on se moque dâeux. Oh, et il y a une autre intro, comme celle de « Peacemaker » sur HBO, quâil est impossible de sauter :
Revenons au sujet : dans la prĂ©paration du vol de Bastard, Johnny se rend compte quâils ont besoin de muscles, juste au cas oĂč. Et pour cela, dans la bande dessinĂ©e, ils font chanter un super-hĂ©ros bien connu du placard, ce qui ne fera que faire rire lâĂ©quipe. Pour terminer la piĂšce, ils lui donnent un costume rose parce que, ains (bien que plus tard câest « justifié » par la torsion Ă la fin). Câest dur de sympathiser avec quelquâun dâaussi mesquin.
dans lâanimĂ©, la piste audio japonaise et les sous-titres espagnols reconnaissent que le super-hĂ©ros ne cache pas son homosexualitĂ© et la menace de Johnny Bolt est de rĂ©vĂ©ler quâil est infidĂšle Ă son partenaire. inexplicablement, dans lâaudio en anglais et en espagnol, ils maintiennent le dĂ©tail sordide de le sortir du placardquelque chose qui piĂ©tine lâĂ©criture japonaise originale. Je trouve ce manque de cohĂ©rence entre lâaudio et les sous-titres assez fort.
Aussi, dans une tentative dâesquiver les railleries homophobes et de normaliser la sexualitĂ© du personnage, la tenue quâelle est obligĂ©e de porter pour cacher son identitĂ© nâest pas rose, mais rouge. Les railleries sont dirigĂ©es contre sa tĂȘte chauve.
Des voleurs qui se font aimer
Il y a deux ajouts importants dans lâanime : le premier est que, comme il y a plus de chapitres, les archĂ©types esquissĂ©s par Mark Millar prennent vie en tant que personnages et notamment le couple de Johnny Bolt et Kasey: câest beaucoup plus palpable dans la sĂ©rie que les deux peuvent ĂȘtre dâaccord sur certains aspects et ĂȘtre en dĂ©saccord sur dâautres, mais câest la passion quâils ressentent lâun pour lâautre qui anime une partie de lâintrigue.
Contrairement Ă la bande dessinĂ©e, un pilier fondamental de lâanime est la relation dâaffection et de respect entre Bolt et Kasey.
Un grand dĂ©tail, typique des gens qui comprennent les personnes sur lesquelles ils Ă©crivent : Johnny est arrĂȘtĂ© au chapitre 10 parce que, malgrĂ© le fait que le braquage quâils commettent se passe bien, Il veut faire tout son possible pour voler des manuels ADE pour Kasey dans une librairie.. Un geste de comprĂ©hension et dâaffection vĂ©ritable, absent de la bande dessinĂ©e, oĂč la seule motivation du vol est commentĂ©e par Bolt dans le passĂ©, en entrant dans la prison : quâil lâa fait pour payer le mariage, mais on ne sait pas sâil est une blague ou vraiment.
En effet, il ne sâagit pas seulement de durĂ©e, mais de la façon dont ils lâutilisent pour ciseler chaque dĂ©tail et que lâaventure finale, le braquage du BĂątard, impressionne. Et ils rĂ©ussissent, oui, et que le troisiĂšme Ă©pisode est une trĂšs longue course-poursuite et que le braquage concoctĂ© entre les huitiĂšme et neuviĂšme Ă©pisodes est digne du cinĂ©ma pop-corn.
Bien sĂ»r, il y a beaucoup dâaction et câest trĂšs bien chorĂ©graphiĂ©
Le rĂ©sultat final est compris comme si bon quand on regarde qui en est responsable: dâune part, le rĂ©alisateur Motonobu Hori, qui nous a donnĂ© il y a quelques annĂ©es cette vitamine pour lâĂąme quâest âCarole & Tuesdayâ ; de lâautre, le scĂ©nariste DaĂŻ SatoassaisonnĂ© de âCowboy Beebopâ Ă âLupin IIIâ, en passant par âGhost in the Shell : Stand Alone Complexâ et mĂȘme les deux volets de âResident Evil : Revelationsâ.
Mentionnons Ă part la conception prodigieuse des personnages qui, basĂ©e sur les crayons comiques de Leinil Francis Yutransformer les protagonistes en versions trĂšs stylisĂ©es, y compris les costumes de super-hĂ©ros : en abandonnant le rĂ©alisme imposĂ© de Yu et en optant pour une ligne claire et droite pour lâanime, les dessins semblent plus « comiques » que les originaux, avec une touche rĂ©tro sur les costumes pour hommes.
Cohérence dans le Millarverse
Enfin, il convient de mentionner une autre valeur de âSuper Crooksâ : fait partie de lâunivers « Jupiterâs Legacy », au point que les super-hĂ©ros de cette sĂ©rie font des apparitions dans lâanime. Sans aller plus loin, dans le premier Ă©pisode un jeune et aspirant super-hĂ©ros Johnny Bolt veut ĂȘtre comme Utopian, le personnage jouĂ© par Josh Duhamel.
Câest drĂŽle, car dans les bandes dessinĂ©es de Millarverse, il nây a pas de relation explicite entre eux. Il existe des rĂ©fĂ©rences telles que des affiches ou des chapiteaux, mais ceux-ci ressemblent plus Ă des clins dâĆil Ă©ditoriaux quâau rĂ©sultat dâune connexion sincĂšre.
« Jupiterâs Legacy » sera annulĂ©, mais « Super Crooks » lui donne un coup dâoxygĂšne en ressuscitant ses personnages.
LâĂ©crivain lui-mĂȘme Ă©tablit quâil y a quelque chose comme deux univers: un avec des super-hĂ©ros Ă lâancienne, qui serait liĂ© Ă Jupiterâs Legacy, puis un autre avec des super-hĂ©ros dâintention rĂ©aliste, comme âKick-Assâ. Mais il souligne quâil essaie de faire en sorte que chaque histoire soit contenue, jâimagine pour deux raisons : la premiĂšre, pour Ă©viter les problĂšmes de continuitĂ© ; le second, pour ne pas effrayer les lecteurs qui peuvent aimer une collection mais ne veulent pas en acheter une autre ou, pire encore, qui, connaissant le lien, dĂ©cident de ne rien acheter.
Ce que nous avons vu de Netflix, câest que, si nous mettons de lâargent dans toute la propriĂ©tĂ© intellectuelle de Mark Millar, il vaut mieux construire tout un univers avec chaque piĂšce et y jouer comme sâil sâagissait dâun autre terrain de jeu comme Marvel ou DC. âSuper Crooksâ montre que cet esprit sans prĂ©jugĂ©s est la voie Ă suivre : dommage âJupiterâs Legacyâ nâest pas arrivĂ© Ă lâheure pour le cours.
SOURCE : Reviews News
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