đż 2022-11-20 08:00:39 â Paris/France.
SĂ©bastien LĂ©lio elle a longtemps racontĂ© exclusivement des histoires de femmes relĂ©guĂ©es en marge des sociĂ©tĂ©s patriarcales. Une femme divorcĂ©e dâĂąge moyen Ă la fois dans « Gloria » (2013) et dans son « remake » anglo-saxon, « Gloria Bell » (2018). Une chanteuse âtransâ en deuil âUne femme fantastiqueâ, le film qui lui a valu lâOscar en 2017. Dans âDisobedienceâ (2018), deux jeunes femmes piĂ©gĂ©es dans une communautĂ© juive orthodoxe tombent amoureuses lâune de lâautre. « Instinctivement, ou pour des raisons que je ne peux pas identifier moi-mĂȘme, je mâidentifie aux personnages qui font face aux mandats de la sociĂ©tĂ© et paient le prix pour suivre leur propre chemin », nous dit le cinĂ©aste chilien. « Et câest Il est Ă©vident que, historiquement , ce sont les femmes qui ont le plus souvent subi ce type dâexpĂ©rience.
Aussi le protagoniste de âLe prodigeâ correspond Ă ce profil. Maintenant disponible sur Netflixle nouveau long mĂ©trage de Lelio se dĂ©roule au milieu du XIXe siĂšcle pour observer une infirmiĂšre anglaise (Florence Poug) nouveau venu dans lâIrlande rurale qui a Ă©tĂ© chargĂ© dâenquĂȘter sur une fillette de 11 ans qui est apparemment restĂ©e quatre mois sans manger et Ă qui le conseil des sages locaux est impatient de proclamer un miracle divin. En dâautres termes, câest une histoire de lâaffrontement « de la science contre la foi, et de la raison contre la superstition& rdquor;explique le rĂ©alisateur. « La principale diffĂ©rence entre la science et la religion est que la science est toujours prĂȘte Ă ĂȘtre rĂ©futĂ©e. Le fanatisme, dâautre part, est la position de ceux qui croient avoir trouvĂ© la vĂ©ritĂ© absolue et ne veulent pas changer leur position. Ils nâacceptent pas dâĂȘtre corrigĂ©s et ils prennent lâautoritĂ© de corriger les autres. Cette arrogance mâoutrage & rdquor ;.
Cela signifie que, malgrĂ© un voyage de plus de 150 ans dans le temps, âEl prodigioâ parle aussi de notre Ă©poque de fausses nouvelles et de post-vĂ©ritĂ©s, dans lequel ceux qui insistent pour nier les faits et les preuves prolifĂšrent simplement parce quâils ne se conforment pas Ă leurs croyances. « Tout le monde parle et rĂ©flĂ©chit, nous vivons submergĂ©s par une cacophonie dâhistoires, et il est trĂšs difficile de savoir laquelle accepter comme bonne. Nous avons assassinĂ© la vĂ©ritĂ©, et Ă sa place il nây a que des fictions », dĂ©plore Lelio. « La dĂ©mocratie est une histoireles droits de lâhomme sont une histoire, lâĂ©conomie est une histoire, mĂȘme le soi est une histoire⊠Et, si nous voulons progresser en tant que sociĂ©tĂ©, nous devons crĂ©er de meilleures histoires & rdquor ;.
PrĂ©cisĂ©ment, âLe prodigeâ pointe les dangers quâil y a Ă accepter de bonnes histoires et des croyances hĂ©ritĂ©es sans les remettre en question. « Le film essaie de demander au spectateur : quâest-ce que tu crois ? Vos convictions sont-elles rigides ou flexibles ? Nous avons la responsabilitĂ© de remettre en question les principes sur lesquels notre civilisation a fonctionnĂ© pendant des siĂšcles, ainsi que ceux que les nouvelles technologies crĂ©ent et propagent Ă une vitesse vertigineuse. Twitter permet aux nĂ©gationnistes et aux partisans de la terre plate de se multiplier en quelques secondes« .
Premier film depuis 2018
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Dans le cas de âEl prodigioâ, admet-il lui-mĂȘme, les liens personnels que Lelio entretient avec son personnage principal sont plus explicites que dâhabitude. « Elle et moi sommes des Ă©trangers essayant de dĂ©fendre leur propre vision devant ceux Ă qui ils doivent rĂ©pondre & rdquor ;. De plus, ajoute-t-il, les liens entre cinĂ©ma et religion sont Ă©vidents. « Lâeffet que nous causent les films nâest pas si diffĂ©rent de ce quâun catholique Ă©prouve devant un crucifix, qui nâest en rĂ©alitĂ© rien de plus que deux bĂątons de bois. Dans les deux cas, nous voyons plus quâil nây a, car notre interprĂ©tation est colorĂ©e par notre propre intĂ©rioritĂ© et nos peurs, dĂ©sirs et fantasmes.
« Le prodige » est le premier film quâil a tournĂ© depuis quâil a remportĂ© lâOscar en 2018; AprĂšs le prix, il a ressenti le besoin de sâarrĂȘter et de rĂ©flĂ©chir. « Je travaillais Ă un rythme effrĂ©nĂ© depuis des annĂ©es, et sans me demander oĂč jâallais en tant quâartiste. Jâavais besoin de fixer un cap, et le ralentissement provoquĂ© par le confinement mâa aidĂ© Ă le faire. Je sens que je viens de commencer une nouvelle Ă©tape crĂ©ative, dans laquelle je recherche plus consciemment la sophistication visuelle et narrative ». Le nouveau film, de mĂȘme, est le premier de sa carriĂšre qui nâest pas strictement indĂ©pendant. Quelles concessions avez-vous Ă©tĂ© obligĂ© de faire en travaillant avec Netflix ? « Chaque fois que vous racontez des histoires, vous faites des concessions, Ă moins dâĂȘtre puriste, et je ne mâintĂ©resse ni au purisme vital ni esthĂ©tique. Un film Ă©merge de lâespace qui sĂ©pare le rĂȘvĂ© du possible ; il sâagit dans ce terrain boueux et en extraire quelque chose dâassez prĂ©cieux. Câest le cinĂ©ma.
SOURCE : Reviews News
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