Quoi diffuser: « Posse », un western sauvage à haut dessein

Quoi diffuser: "Posse", un western sauvage Ă  haut dessein - The New Yorker

😍 2022-08-19 00:50:07 – Paris/France.

Que ce soit dans les films d’auteur ou dans les spectacles hollywoodiens, il n’y a pas de conflit entre le style audacieux et la politique de confrontation, qui convergent vers un effet grandiose mais cinglant dans « Posse » de Mario Van Peebles de 1993. C’est l’un des grands westerns modernes, et c’est maintenant diffuser largement, y compris sur Pluto TV et la chaĂźne Roku. La coĂŻncidence de son arrivĂ©e sur Pluto TV, en aoĂ»t, avec une rĂ©trospective Film Forum des films du rĂ©alisateur français Alain Resnais est un rappel utile de ce qui relie l’art-house et les traditions hollywoodiennes. Resnais, en particulier dans ses premiers films (tels que « Hiroshima Mon Amour » et « Muriel »), livre des calculs politiques pointus – et la politique de la mĂ©moire elle-mĂȘme – avec un esthĂ©tisme rarĂ©fiĂ© et formaliste unique. Pour Van Peebles, le flash et le flair de « Posse », ainsi que sa forme distinctive centrĂ©e sur le flashback, servent un objectif similaire et puissant : aller au-delĂ  des mythes du cinĂ©ma et rĂ©vĂ©ler la vĂ©ritĂ© sur le Far West et sur l’histoire amĂ©ricaine au fil du temps. tous, par le biais de ceux qui se sont souvenus de cette histoire mais ont Ă©tĂ© longtemps ignorĂ©s. Comme dans certains des meilleurs films de Resnais, Van Peebles – travaillant d’une maniĂšre tout Ă  fait plus populiste et animĂ©e – dramatise la mĂ©moire comme action, comme forme d’activisme.

« Posse » est centrĂ© sur la vie des Noirs – citadins, cow-boys, mĂȘme shĂ©rifs – dans l’Ouest du XIXe siĂšcle. C’est une aventure sauvage et picaresque qui est tendue par un sens des principes inĂ©branlable et passionnĂ©, fourni autant par le cinĂ©aste que par les protagonistes du film, notamment parce que Van Peebles joue Ă©galement le rĂŽle de Jesse Lee, une recrue involontaire dans le film hispano-amĂ©ricain. Guerre. L’action commence Ă  Cuba, en 1898, oĂč Jesse, un condamnĂ© condamnĂ© au service militaire Ă  vie, est le chef d’un rĂ©giment majoritairement noir envoyĂ© en mission suicide par le colonel raciste Graham (Billy Zane). Jesse dirige un groupe de trois soldats noirs et un soldat blanc dans une rĂ©volte contre le colonel, et ils se faufilent vers les États-Unis, un coffre volĂ© de piĂšces d’or en remorque, via la vanitĂ© comique de prendre la place des cadavres. Atteignant la Nouvelle-OrlĂ©ans – et rejoint par un joueur appelĂ© Father Time (Big Daddy Kane) – la bande de dĂ©serteurs fait confiance Ă  Jesse pour garder une longueur d’avance sur la loi et le colonel, qui est Ă  ses trousses. Mais Jesse a quelque chose de plus en tĂȘte que la simple survie. Il est hantĂ© par des souvenirs d’incendie, de destruction et du meurtre de Noirs par des hommes de loi et des justiciers blancs, des souvenirs rendus par des flashbacks en noir et blanc austĂšres, cauchemardesques et fragmentaires. En quĂȘte de vengeance, il amĂšne son groupe Ă  la soi-disant frontiĂšre occidentale, dans la ville oĂč il a grandi et oĂč ces visions horribles Ă©taient ses rĂ©alitĂ©s.

Quelle est l’histoire qui doit ĂȘtre racontĂ©e et comment est-elle racontĂ©e ? C’est la tension globale de « Posse ». L’action flamboyante et tapageuse du film se dĂ©roule Ă  l’intĂ©rieur d’un dispositif de cadrage d’un homme noir ĂągĂ© et anonyme se remĂ©morant le groupe de six, les surnommant le «groupe original» et livrant une leçon d’histoire: prĂšs d’un tiers de tous les films de la fin du XIXe siĂšcle. Les cow-boys amĂ©ricains – et la moitiĂ© des premiers colons de Los Angeles – Ă©taient noirs. L’identitĂ© de ce personnage converge avec celle de l’acteur lui-mĂȘme, dans un coup de gĂ©nie du casting : le narrateur est incarnĂ© par Woody Strode, nĂ© en 1914, qui interprĂ©ta le rĂŽle-titre dans le Western « Sergent Rutledge » de John Ford en 1960, se dĂ©roulant en 1881. , Ă  propos de la persĂ©cution raciste d’un officier noir. L’intersection de l’histoire et du mythe, l’insĂ©parabilitĂ© de l’histoire des voix du tĂ©moignage personnel, le pouvoir dĂ©cisif de la commĂ©moration et de la transmission : tels sont les sujets mĂȘmes de « Posse ». Tout au long, Van Peebles fait un clin d’Ɠil au pouvoir mythique des westerns classiques tout en insufflant Ă  ses tropes une substance historique diffĂ©rente et plus large et en prĂ©sentant de nouveaux hĂ©ros pour l’incarner. Comme dans les westerns de Ford, il est frappant de constater que les considĂ©rations intellectuelles profondĂ©ment enracinĂ©es et profondĂ©ment ressenties du film reçoivent un traitement dramatique aussi vigoureux, passionnant, complexe et, parfois, mĂȘme d’un humour rauque.

L’histoire que raconte Van Peebles (travaillant avec un scĂ©nario de Sy Richardson et Dario Scardapane) est une vaste fouille des crimes et des pĂ©chĂ©s sur lesquels les États-Unis sont basĂ©s. C’est une histoire d’aventurisme militaire, d’expansionnisme colonial, de capitalisme de copinage, de manƓuvres politiques trompeuses, de l’imposture rĂ©pressive de la loi et de l’ordre et de la prĂ©misse sous-jacente de la suprĂ©matie blanche dont dĂ©pendent ces abus. Jesse a grandi dans une ville appelĂ©e Freemanville, une colonie de Noirs qui est involontairement jumelĂ©e avec l’avant-poste blanc voisin de Cutterstown, qui est dirigĂ© par un shĂ©rif despotique et sadique nommĂ© Bates (Richard Jordan). Les intĂ©rĂȘts de Bates sont Ă  la fois violents et mercenaires, et il utilise le pouvoir de la bourse pour gagner la complicitĂ© du shĂ©rif noir de Freemanville, Carver (Blair Underwood), dans ses stratagĂšmes. Un aspect crucial de « Posse » est la dĂ©couverte des schĂ©mas de Bates – leur reconnaissance par le biais de la mĂ©moire, de la connaissance et de l’éducation, qui fournit Ă©galement la base cruciale de la rĂ©sistance.

Le pivot des souvenirs obsĂ©dants de Jesse implique son pĂšre, le roi David (Robert Hooks), qui a Ă©tĂ© assassinĂ© pour avoir construit une Ă©cole arborant le slogan « L’éducation, c’est la liberté ». Jesse est, en effet, un homme du livre, portant autour d’un petit et prĂ©cieux volume contenant un poĂšme sur la vie d’un esclave qui commence par  » NicodĂšme Ă©tait un esclave de naissance africaine « . (Le poĂšme a Ă©tĂ© publiĂ©, anonymement, en 1877, pour promouvoir une colonie noire nommĂ©e Nicodemus, au Kansas). Le livre, que Jesse donne Ă  l’analphabĂšte Obobo (Tom Lister, Jr.), le plus puissant guerrier du groupe, assume une fonction symbolique – une trace artistique d’une histoire qui, alors comme aujourd’hui, risque d’ĂȘtre supprimĂ©e. La transmission et le mentorat sont intĂ©grĂ©s encore plus profondĂ©ment dans l’histoire Ă  travers le casting de personnages, qui comprend l’aĂźnĂ© Papa Joe, le mentor de Jesse; il est jouĂ© par Melvin Van Peebles, le rĂ©alisateur moderne fondateur qui est Ă©galement le pĂšre de Mario Van Peebles. (La fille de Papa Joe, Lana, interprĂ©tĂ©e par Salli Richardson-Whitfield, est l’institutrice de la ville.)

L’intrigue dĂ©pend de maniĂšre significative de la reconnaissance et de l’effet du dĂ©placement gĂ©nocidaire des AmĂ©rindiens et des conditions oppressives endurĂ©es par les travailleurs chinois ; cela implique Ă©galement la «clause de grand-pĂšre» explicitement citĂ©e, qui stipulait que toute personne noire qui avait un grand-pĂšre asservi, et donc inĂ©ligible pour voter, Ă©tait Ă©galement interdite de voter. MalgrĂ© toutes ses fouilles historiques, « Posse » est un conte d’exubĂ©rance, de personnalitĂ©s fleuries dont les idiosyncrasies et les audaces, dont les plaisirs et les mĂ©saventures, sont aussi l’essence de l’histoire. Aux cĂŽtĂ©s de l’indĂ©fectible Obobo et de l’impĂ©tueux et composĂ© Father Time, il y a l’élĂ©gant Angel (Tone Loc), le sournois et insolent Little J (Stephen Baldwin) et le loquace, impĂ©tueux et perspicace Weezie (Charles Lane), qui avait le malheur de servir le colonel et l’audace de changer de camp sous la pression, et dont le bavardage antique sert comme quelque chose comme l’extĂ©riorisation de la conscience dans le feu de la lutte. Le conteur jouĂ© par Strode donne vie Ă  ces personnalitĂ©s dĂ©mesurĂ©es dans un rĂ©cit dĂ©mesurĂ© et scandaleux, et ce faisant, rejoint Van Peebles pour unir mythe et histoire.

« Posse » montre une conscience artistique Ă  l’Ɠuvre en mĂȘme temps qu’une conscience politique. La joie de parler du film – et d’esprit, de musique, de poĂ©sie, de costume, de danse et de jeu – est autant une question d’incarnation de la conscience que de reconnaissance et de rĂ©paration des crimes de l’histoire. Bien que le drame soit souvent sombre et effrayant, les manƓuvres improvisĂ©es et les exploits audacieux du groupe titulaire, malgrĂ© toute leur fĂ©rocitĂ© mortelle, ont une Ă©nergie joyeuse qui reflĂšte quelque chose de plus que la survie – ils reflĂštent la vigueur constructive, l’objectif collectif de la communautĂ© noire . L’allure personnelle des protagonistes est elle-mĂȘme une question de style ; ou plutĂŽt, le style du groupe est une question d’identitĂ©, d’affirmation de soi, d’endurance. Van Peebles, rĂ©alisant le film avec exubĂ©rance et Ă©lĂ©gance, dĂ©peint Ă  la fois cette histoire du style et la prĂ©sente comme un idĂ©al moderne. ♩

SOURCE : Reviews News

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