đ 2022-09-18 02:56:03 â Paris/France.
Il y a des biographies cinĂ©matographiques qui sont faites de lâextĂ©rieur vers lâintĂ©rieur, qui sâappuient sur les grands Ă©vĂ©nements de la vie dâune personne et cherchent Ă les raconter dâun point de vue singulier. Dâautres choisissent un chemin totalement opposĂ©, abandonnant complĂštement ces « plus grands succĂšs » et concentrant leur attention sur un certain fait qui peut ĂȘtre pertinent pour comprendre le personnage en question. BLOND elle opĂšre sous les deux angles Ă la fois : elle nâabandonne pas complĂštement les faits essentiels mais elle est racontĂ©e de lâintĂ©rieur du personnage comme si tout ce qui est observĂ© Ă©tait une hallucination, un cauchemar, le film dâune vie.
Bien quâil soit basĂ© sur un cĂ©lĂšbre livre de Joyce Carol Oates qui a pris de nombreuses libertĂ©s avec lâhistoire vraie de Marilyn Monroe, BLOND Il est vĂ©cu comme une autobiographie, une immersion psychologique dans la vie dâune star de cinĂ©ma torturĂ©e qui ne semble jamais trĂšs bien mesurer ce qui lui arrive, qui le vit comme un jeu Ă©trange dans lequel chacun essaie de lâutiliser et de la manipuler. Vu sous cet angle, câest un monde monstrueux dans lequel personne nâest Ă lâabri : Hollywood comme un film dâhorreur et Marilyn comme la petite Dorothy dans la version la plus fantomatique et grotesque dâOz.
BLOND Il ne mise pas sur le rĂ©alisme. Câest racontĂ© comme une longue sĂ©ance de thĂ©rapie psychanalytique du point de vue dâune fille abĂźmĂ©e (par sa mĂšre malade, son pĂšre abandonnĂ©) qui traverse les Ă©tapes du plus sombre des jeux de rĂŽle : un Hollywood plus proche de celui de MULHOLLAND DRIVE, de David Lynch, quâĂ lâhistoire officielle. Ce nâest pas une usine Ă rĂȘves mais une usine Ă cauchemars. Câest Norma Jeane jouant Marilyn, jouant un rĂŽle dans un autre et essayant, sans succĂšs, dâĂȘtre Ă nouveau elle-mĂȘme, dâĂȘtre considĂ©rĂ©e comme quelque chose de plus quâune blonde sexy et stupide mais sans y parvenir. Ă un moment donnĂ© de ses presque 170 minutes, le film sâenlisera trop dans ses aspects les plus brutaux et, comme une sĂ©ance de thĂ©rapie qui a durĂ© trop longtemps, on se sentira submergĂ© par tant dâangoisse accumulĂ©e et aura besoin dâune pause. Peut-ĂȘtre regarder une comĂ©die avec Marilyn MonroeâŠ
BLOND commence par lâenfance de Norma Jeane, une sĂ©rie dâexpĂ©riences typiques du cinĂ©ma dâhorreur le plus brutal : une fille Ă la merci dâune mĂšre psychologiquement brisĂ©e (Julianne Nicholson) qui vit en les mettant toutes les deux en danger de mort, surtout la petite impressionnable fille. Il y a un pĂšre absent (un acteur cĂ©lĂšbre, apparemment, mais ce nâest peut-ĂȘtre quâune invention ou une hallucination de la mĂšre) qui mobilise la dĂ©jĂ adolescente Norma, qui a vĂ©cu une grande partie de cette Ă©tape dans un orphelinat, pour aller tenter sa chance Ă Hollywood. .
Mais Norma se rendra vite compte â Ă ce stade qui prĂ©cĂšde la cĂ©lĂ©britĂ© â que lâindustrie cinĂ©matographique ressemble beaucoup Ă un bordel, que derriĂšre les flashs se cache une jungle dâagresseurs qui chassent des jeunes innocents avec des rĂȘves de gloire, y compris des patrons dâĂ©tudes qui ne le sont pas. nommĂ©s mais connus. Ces « parrains » des futurs Harvey Weinstein du monde marquent le territoire de cette fille dĂ©sespĂ©rĂ©e dâun pĂšre et dâune figure dâautoritĂ©, ce qui la fera tomber entre les pires mains possibles.
Dominik passera de lĂ Ă lâĂ©tape la plus connue de lâactrice, au dĂ©but des annĂ©es 50, dans laquelle son conflit commencera Ă ĂȘtre traitĂ© sĂ©rieusement dans sa profession. A chaque casting, Ă chaque rĂ©pĂ©tition, on verra non seulement le talent naturel de la jeune fille mais combien il semble peu importe aux cadres, producteurs et mĂȘme rĂ©alisateurs qui lâobservent, qui aprĂšs une longue scĂšne dâarrachement Ă©motionnel Ă la jeune fille commente seulement, lascivement, son apparition lorsquâil la voit quitter les lieux. Norma le sait, bien sĂ»r, et Ă un moment donnĂ©, elle commence Ă jouer Ă ce jeu, sans autre choix que de tomber dans ce piĂšge et de profiter de certains des avantages. Câest la seule option possible, semble-t-il, Ă assumer comme Marilyn avant les flashs.
Dominik laissera toute sa place Ă sa vie sexuelle, au curieux triangle quâil crĂ©e avec deux enfants de cĂ©lĂ©britĂ©s cĂ©lĂšbres (ceux de Charles Chaplin et Edward G. Robinson) et trois de ses relations les plus connues. Celui de Joe DiMaggio (Bobby Cannavale), la lĂ©gende du baseball ; le dramaturge Arthur Miller (Adrien Brody) et le prĂ©sident John F. Kennedy, peut-ĂȘtre le plus dĂ©rangeant et le plus dĂ©sagrĂ©able des trois. Avec les prĂ©cĂ©dents, en rĂ©alitĂ©, le choc passait toujours par la diffĂ©rence entre la Marilyn publique et la fille effrayĂ©e quâĂ©tait essentiellement Norma Jeane, chose que leurs maris ne pourraient jamais supporter. La cĂ©lĂšbre scĂšne de la jupe de Marilyn dans le vent explique trĂšs bien le phĂ©nomĂšne et la distance entre mythe et rĂ©alitĂ©.
Le dĂ©clin psychologique de la jeune fille prendra une bonne heure de film et lĂ Dominik entrera dans un territoire quelque peu grotesque, Ă la limite du pathĂ©tique. De la consommation de drogue et des abus divers Ă la maniĂšre graphique de montrer leurs grossesses ratĂ©es ou accidentellement interrompues, la rĂ©alisatrice de ME TUER DOUCEMENT Il ne saura pas conclure sans grandiloquence ce quâil a su construire dans ses deux premiĂšres heures de film. Câest quâil fait partie de ces rĂ©alisateurs qui aiment se faire remarquer, Ă©couter le son de sa propre voix et, Ă un moment donnĂ©, sâempĂȘtrer dans le dĂ©clin sans fin du personnage, Ă ce moment-lĂ , emblĂ©matique.
Dominik passe de la couleur au noir et blanc, change de format, mĂ©lange les styles et dĂ©place la camĂ©ra comme sâil se trouvait Ă lâintĂ©rieur de lâattraction la plus terrifiante dâun parc dâattractions. Câest un cinĂ©aste agitĂ©, crĂ©atif et plein dâidĂ©es visuelles qui veut Ă tout prix Ă©viter les clichĂ©s. Il rĂ©ussit, câest vrai, mĂȘme si tous ses choix ne sont pas les bons et certains sont trĂšs mĂ©contents. Mais dans ce manĂšge dâhorreur, dans cette fable du Petit Chaperon rouge face Ă des dizaines de loups fĂ©roces, la palme revient Ă Ana de Armas, vĂ©ritable rĂ©vĂ©lation de ce film unique, ambitieux et parfois remarquable. Lâactrice interprĂšte une performance brute, au bord de lâimplosion, de la dĂ©sintĂ©gration, du dĂ©chirement. La jeune fille semble possĂ©dĂ©e par lâesprit de Norma Jeane. Ce nâest pas une imitation mais une incarnation au sens le plus religieux de ce mot bĂ©ni.
SOURCE : Reviews News
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