😍 2022-12-09 19:12:49 – Paris/France.
Quand Warner et Atresmedia m’ont demandé d’adapter Les lignes tortueuses de Dieu, ma réponse a été de m’enfuir. Le respect du roman et la difficulté d’adapter la langue de Torcuato au grand écran semblaient des obstacles difficiles à surmonter. Cependant, et malgré le refus initial, l’offre réveilla le souvenir qu’il avait du roman.
Et petit à petit, j’ai imaginé comment j’allais l’adapter, quel point de vue j’allais avoir sur l’histoire, comment j’allais moderniser le récit pour l’adapter au XXIe siècle et – surtout – comment je le différencierais de d’autres propositions impossibles à battre comme Île de l’obturateur, Couloir de choc Soit Vol au dessus d’un nid de coucou.
Six mois plus tard, et devant l’insistance d’adapter le roman, j’ai expliqué quelle serait ma vision, en étant honnête avec ce que le roman a suscité dans « l’ici et maintenant ». Je l’ai non seulement exposé aux producteurs et distributeurs concernés, mais aussi aux « gardiens » du roman, qui en avaient protégé les droits comme un précieux trésor. Pour moi, il était essentiel d’avoir la bénédiction de tous ceux qui avaient rêvé d’une adaptation modernisée du roman. Et c’est pour s’adapter Les lignes tortueuses de Dieu dans toute son ampleur, c’était impossible. Cela prendrait dix heures d’images. Cependant, l’adapter sous un point de vue spécifique, qui était respectueux de l’original et, en même temps, offrait une révision du classique, peut-être pas tellement.
Pour aborder l’adaptation, j’ai travaillé avec Guillem Clua, un ami et dramaturge que j’admire profondément. La bataille dialectique du roman a été l’un des axes centraux de l’adaptation, qui s’est essentiellement concentrée sur le personnage d’Alice Gould et comment elle met en échec toute une institution médicale, dirigée par le docteur Samuel Alvar. La bataille des sexes d’antan allait être remplacée par la bataille des egos. Et ça a été, au-delà de tout le contexte psychiatrique, le leitmotiv de l’adaptation. L’ego comme épicentre du discours narratif qui encadre un regard sur le monde de la santé mentale, qui fonctionne comme un miroir de notre protagoniste.
Un autre élément essentiel pour aborder l’adaptation était la présence de Barbara Lennie. Le film est avant tout une étude de personnage. Personne comme Barbara ne pouvait incarner Alice Gould. Pour son talent, son magnétisme, son intelligence, son élégance et cette auréole mystérieuse qui l’accompagne toujours. Tout le film lui tombe dessus, et elle n’a jamais mis une histoire aussi au service de qui que ce soit auparavant. Les lignes tortueuses de DieuJe ne le nierai pas, il est conçu et exécuté en pensant à Barbara Lennie.
Le monde du sanatorium était aussi un défi. D’un côté, il y avait toute l’équipe médicale du sanatorium, dirigée par Samuel Alvar, le directeur du centre. Toute la confrontation avec Alice allait tomber sur ce personnage. Pour moi c’était aussi essentiel d’avoir Eduard Fernández, pour assurer Alice/Bárbara, une digne rivale dans la lutte des egos. Et, d’autre part, il y avait le grand défi du film : donner vie au monde des malades. Pour beaucoup d’élus, c’était le premier projet, ou le premier grand projet. Ils cherchaient des personnes très spéciales, fidèles à l’histoire du roman, et en même temps capables de travailler devant une caméra. Et il en va de même pour une grande partie de la figuration, qui a été méticuleusement sélectionnée, presque toutes avec peu ou pas d’expérience, et qui a travaillé en groupe pour que ce que nous voyons soit réel et naturel. La figuration est un personnage majeur du récit, puisqu’il était impossible d’inclure tous les patients dans le roman.
Recréer un sanatorium en période de transition était aussi un enjeu majeur, puisqu’il permettait à tous les malades isolés de la société et confinés entre quatre murs de donner la parole. Le film parle de l’ancienne psychiatrie et de la nouvelle psychiatrie dans un pays qui changeait, plus lentement que souhaité. C’est une toile de fond, celle des restes du régime franquiste, qu’on a voulu mettre à l’écran sans souligner, sans tomber dans la caricature. Nous n’avons pas voulu faire une blague du temps en rendant le passé évident, mais être chirurgicaux dans la documentation, et transparents dans l’exécution.
Mais de tous les éléments, celui qui m’a le plus poussé à accepter le projet a été de sortir de ma zone de confort. Les lignes tortueuses de Dieu Ils représentent une manière d’aborder un projet depuis un autre site. Le thriller est plus que jamais prétexte à enquêter sur la descente aux enfers d’un personnage, et le drame gagne en présence. Pour moi, le film est comme une symphonie en trois actes. Le premier est le thriller. La seconde, le drame. Et le troisième, la folie. C’est un film en trois parties très claires. Chacun d’eux se nourrit du précédent.
SOURCE : Reviews News
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