đ 2022-09-22 18:01:38 â Paris/France.
Daniel SĂĄnchez ArĂ©valo a plus de 50 ans et le moment oĂč il a fait ses dĂ©buts en scĂ©narisant « Farmacia de Guardia » est dĂ©jĂ loin derriĂšre lui. Il est lâun des rĂ©alisateurs les plus consacrĂ©s de notre pays grĂące Ă des films qui ont dĂ©fini plusieurs gĂ©nĂ©rations, tels que « Cousins », « Azuloscurocasinegro » ou « Seventeen ».
Ă prĂ©sent, Lâhomme de Madrid rĂ©pĂšte avec Netflix dans la production de sa premiĂšre sĂ©rie originale, « Las de la Ăltima Row », lâhistoire de cinq filles qui vivent une derniĂšre aventure avant que lâune dâelles ne doive commencer la chimio. Ă prĂ©sent, Dani nous accueille pour parler du changement dâinscription, des dettes en suspens avec lâunivers fĂ©mininTwitter et lâaversion pour la critique.
bon câest une sĂ©rie
Espinof : AprĂšs avoir longtemps fait des films, et sans me dire « Câest un film divisĂ© en Ă©pisodes », pourquoi une sĂ©rie ?
Daniel Sanchez ArĂ©valo: Jâai Ă©crit cette histoire pendant une dizaine dâannĂ©es, et jâai imaginĂ© un film, mais je nâai jamais fini de le façonner. Jusquâau jour oĂč jâai rĂ©alisĂ© que ce que je voulais raconter et Ă quel point je voulais plonger dans la vie de ces cinq filles, je ne trouvais pas de long mĂ©trage.
Alors jâai dit « Ok, câest une sĂ©rie ». De plus, le mĂ©canisme quâil propose, dans lequel chaque jour un morceau de papier est dessinĂ© qui les dĂ©fie Ă de nouvelles choses, mâa semblĂ© parfait et mâa donnĂ© la structure des six chapitres. Cinq filles, un morceau de papier par jour et la sixiĂšme pour ramasser tout ce qui a Ă©tĂ© semĂ©.
E : Et pourquoi cette série ?
AVD: La rĂ©ponse courte câest parce quâun jour je lâai dit Ă ma copine et son visage sâest illuminĂ© et elle mâa dit « Tu dois faire ça, je veux voir cette sĂ©rie ». Pour moi, câĂ©tait un excellent moteur et une grande motivation. De plus, VerĂłnica FernĂĄndez, de Netflix, mâa appelĂ© peu de temps aprĂšs et mâa dit « Dani, nous voulons produire une sĂ©rie pour toi, celle que tu veux, celle que tu as en tĂȘte ». Je suis restĂ© avec elle, je lui ai racontĂ© comment âThe Last Rowâ avait commencĂ© et elle mâa dit « ne mâen dis pas plus, jâai dĂ©jĂ envie de voir cette sĂ©rie ». Et cela a Ă©tĂ© merveilleux parce quâils mâont donnĂ© une libertĂ© de crĂ©ation brutale.
E : Câest exactement ce que jâallais te demander, câest ta deuxiĂšme collaboration avec Netflix et tu as lâair trĂšs Ă lâaise.
AVD: Câest juste que je me sens trĂšs privilĂ©giĂ© : les dĂ©partements films et sĂ©ries nâont rien Ă voir, ils ne communiquent pas, chacun prend ses propres dĂ©cisions. Et dans les deux cas, jâai eu une incroyable libertĂ© de crĂ©ation. Dans âSeventeenâ, ils ont compris quâun petit film comme celui-ci nâĂ©tait pas forcĂ©ment bon marchĂ©, et sâils voulaient le tourner en Cantabrie pendant huit semaines sur place, cela prendrait du temps Ă tourner et des dĂ©penses. Et ici exactement la mĂȘme chose sâest produite.
DĂšs le dĂ©but jâenvoyais les scripts et ils mâont dit « Dani, on ne veut pas te mettre de notes parce que ton univers est tellement le tien et tellement particulier⊠On aime vraiment ce que tu fais et comment tu le fais, donc on Je ne veux pas vous dire des choses qui finiront peut-ĂȘtre par aggraver les scripts. Mais ensuite je fais mon casting idĂ©al de ces cinq filles que je voulais vous faire croire comme un groupe dâamies de toujours et loin de cinq femmes de cartes postales, pour ainsi dire, un groupe de vraies femmes⊠Je le prĂ©sente et elles lâachĂštent. Je pensais quâils allaient me demander un visage plus connu du grand public, mais non.
Tout le processus a Ă©tĂ© comme ça, Ă©videmment au montage, ils mâont donnĂ© des notes mais en me disant « Tu lâapprĂ©cies, Dani, et ensuite tu prends la dĂ©cision finale ». Alors, bien sĂ»r, câest merveilleux.
La personne qui dit « ĂiñiñĂ »
E : JusquâĂ prĂ©sent vos films (âSeventeenâ, âGordosâ, âCousinsâ) sont des films dans lesquels vous Ă©crivez majoritairement des hommes, pourquoi du coup Ă©crire ce groupe de femmes sans co-scĂ©nariste ? Avez-vous eu peur de ne pas avoir le ton ?
AVD: Jâai senti que jâavais une sorte de dette envers lâunivers fĂ©minin, que je lâavais un peu rĂ©glĂ©e avec âLâĂźle dâAliceâ, mon roman, dont le protagoniste est fĂ©minin et est racontĂ© Ă la premiĂšre personne, mais dans lâunivers audiovisuel je suivi son ayant. Je voulais vraiment mâimmerger dans cet univers et au final ce nâĂ©tait pas quâune femme mais cinq.
Et si jâai eu peur dans le processus ? Beaucoup, et surtout du respect, car ma plus grande ambition Ă©tait de crĂ©er une sĂ©rie dont si on ne savait pas qui se cache derriĂšre, on croirait que câest une femme. CâĂ©tait aussi lâambition maximale de mon roman, et de lĂ naĂźt le respect de bien faire, de crĂ©er un groupe de vraies femmes, que vous croyez, avec qui vous sympathisez, avec qui vous vous identifiez et qui reprĂ©sentent un groupe diversifiĂ© . . Cela mâa beaucoup fait sortir de ma zone de confort (ce qui ne me vient pas naturellement) mais en mĂȘme temps ce fut un voyage incroyable et merveilleux, et dans lequel jâai reçu, croyez-moi, beaucoup dâaide.
Sara, ma fille, mâa laissĂ© plonger dans ce genre de terrain privĂ© avec son groupe dâamis et elle mâa laissĂ© voler des choses et avoir constamment des conseils. Jâai eu une psychologue experte en genre qui a lu tous les scripts, toutes les versions, et elle me disait nâimporte quel mot ou nâimporte quoi qui ne lui semblait pas tout Ă fait correct. Et quand les actrices sont arrivĂ©es, je leur ai dit « Les filles, il faut que vous mâaidiez Ă finir de configurer, Ă finir les personnages. Je ne veux pas que vous fassiez ou disiez quoi que ce soit qui ne soit pas cohĂ©rent avec vos personnages. » De plus, lâĂ©quipe technique Ă©tait majoritairement fĂ©minine, et je leur ai demandĂ© de bien vouloir, mĂȘme si jâĂ©tais la rĂ©alisatrice, de ne pas hĂ©siter Ă me dire, mĂȘme si nous tournions, si quelque chose les gĂȘnait le moins du monde. Je me suis sentie trĂšs soutenue et trĂšs protĂ©gĂ©e dans ce sens.
E : A ce sujet, une question obligatoire, je suis désolée : ces filles font toutes sortes de choses absolument annulables, comme voler dans les petits commerces, ce qui, sorti de son contexte, peut faire un trÚs beau clip sur Twitter. Avez-vous peur de cette toile de Satan ?
AVD: JâĂ©tais trĂšs actif sur Twitter et jâai arrĂȘtĂ© de le faire parce que je me suis rendu compte que dans tout ce que jâĂ©crivais, partout oĂč jâĂ©tais pris. Maintenant je mets trĂšs peu de choses, mais je suis trĂšs actif, je le lis beaucoup et le regarde beaucoup⊠Mais sans Ă©crire. Craindre? Oui, jâai peur, parce que je pense aussi que nous avons presque tous cette horrible tendance que mĂȘme si sur 100 personnes 99 vous disent « Câest super, comme jâai aimĂ© ça » il suffit quâon dise « Ăiñiñi » pour ĂȘtre foutu, vous ĂȘtes laissĂ© seul avec ça.
Et Twitter est lâendroit idĂ©al pour cela. En fait, lors de la premiĂšre, jâessaierai probablement de mâĂ©loigner un peu, je nâai pas lu de critiques depuis longtemps. AprĂšs âGordosâ, jâai arrĂȘtĂ© de les lire parce que jâai beaucoup souffert. Mais pas les bons ! Je ne lis pas les bons, ni les mauvais. Les choses me viennent, Ă©videmment, mais je prĂ©fĂšre essayer de me prĂ©server un peu car on souffre beaucoup et on est trĂšs sensible Ă toute critique. Et je sais que mĂȘme si jâessaie de bien faire les choses et que tout a du sens, quelque part je peux tomber.
E : Vous vous dĂ©brouillez bien, nous les critiques sommes de mauvaises personnes. En fait, jâai une petite critique maintenant : il mâa semblĂ© dommage que vous expĂ©rimentiez le format si tard, uniquement dans les deux derniers Ă©pisodes, et nâinventiez des univers alternatifs que dans le dernier. Je ne sais pas si câest pour accommoder le spectateur Ă un format et ensuite introduire des innovations, parce quâon ne fait pas confiance au spectateur moyen ou parce quâon a voulu raconter une histoire et lâamener petit Ă petit Ă son apogĂ©e.
AVD: Je pense que cela a plus Ă voir avec chaque histoire, avec ce qui est racontĂ© dans chaque chapitre. LâĂ©pisode 2 a bien cette composante spatio-temporelle qui se joue beaucoup et câest vrai que plus tard je commence Ă beaucoup jouer avec le mĂ©talangage et la façon de raconter les choses, dâinventer des choses qui ne se sont pas produites et que vous pensez avoir. Je pense aussi que câest une bonne façon de confondre le spectateur et de le rendre un peu conscient. Mais ce nâest pas que je ne lâai pas fait au dĂ©but de peur que lâhistoire ne soit pas comprise, mais parce que ça ne mâest pas venu naturellement.
Peut-ĂȘtre que moi aussi, au fur et Ă mesure que jâĂ©cris, comme il y a de trĂšs longues pĂ©riodes et beaucoup de chapitres, je ressens le besoin de jouer et de chercher dâautres maniĂšres de raconter pour ne pas mâennuyer moi-mĂȘme en tant quâĂ©crivain. Câest que tu viens de faire cette rĂ©flexion et je ne mâen Ă©tais pas rendu compte !
Soyez local pour atteindre lâinternational
E : Jâaimerais parler un peu de lâimportance de la musique indie dans lâhistoire, comme Rigoberta Bandini ou Joe CrepĂșsculo, et comment elle sert de moteur Ă lâhistoire elle-mĂȘme dâune maniĂšre un peu anachronique, parce que dans les clubs ils ne jouent pas La La Love You Autant que nous lâaimons. Comment ce rĂ©alisme magique musical fonctionne-t-il dans lâhistoire ?
AVD: Ce qui Ă©tait clair pour moi, câest que je voulais essayer de ne pas avoir de bande-son originale, mais je ne savais pas si jâallais pouvoir car il y avait des passages trĂšs Ă©mouvants et je me disais « Ici, je vais avoir besoin quelque chose pour mâaider et me soutenir ». Mais jâai essayĂ© de faire cet exercice dĂšs le dĂ©but : dĂšs le tournage jâai pensĂ© Ă Juan Ibåñez, qui Ă©tait mon conseiller musical, Ă qui jâai dit quâil y avait cinq filles en voyage, elles doivent Ă©couter de la musique, elles vont dâaller en discothĂšque, et je veux quâils Ă©coutent les chansons quâils chantent et dansent, quâils chantent et dansent, quâils lâĂ©coutent vraiment au lieu de prendre la dĂ©cision en post-production, ce qui est toujours plus rare.
Et jâai eu beaucoup de chance car ce mec est une bombe et il mâa pris par les ailes : il mâa fait une playlist incroyable et puis nous avons eu un dialogue constant tout au long de la prĂ©paration du tournage. Je lâai beaucoup apprĂ©ciĂ© et jâai Ă©tĂ© trĂšs fier dâavoir, en effet, pour la premiĂšre fois de ma vie, rĂ©ussi Ă ne pas utiliser de compositions originales. Et je nâai rien contre eux ! Je les adore et les aime, je passe la journĂ©e Ă Ă©couter des BO, mais je pense que câest ça qui a Ă©tĂ© bon pour cette histoire.
E : Envisagez-vous de le rĂ©pĂ©ter sous forme de sĂ©rie ou une fois que vous lâaurez essayĂ©, comme Woody Allen, nâenvisagez-vous pas de revenir ?
AVD: Maintenant je ne veux plus, je veux faire un film, jâai envie de revenir à ça. Le tournage a Ă©tĂ© trĂšs dur, ça fait 16 semaines, je suis le seul rĂ©alisateur et le seul scĂ©nariste⊠La post-production souffre aussi beaucoup, car il faut passer quatre ou cinq mois dans tous les processus, et ils sâaccumulent car câest un Ă©norme volume de travail et beaucoup de matĂ©riel. Cela a Ă©tĂ© une expĂ©rience incroyable et merveilleuse que je suis sĂ»r de rĂ©pĂ©ter, mais pour le moment, ce que je veux, câest revenir Ă 100 minutes.
E : Lâune des meilleures scĂšnes de la sĂ©rie concerne le pain perdu. Peu importe Ă quel point nous pensons que nous sommes modernes, au final les choses les plus populaires et les plus cool sont celles qui nous atteignent le plus, quel est lâĂ©quilibre que vous atteignez entre le cool et le moderne ?
AVD: Jâaime beaucoup la ville, les gens, les traditions. Jâai toujours Ă©tĂ© un gamin qui nâavait pas dâamis lĂ oĂč jâallais passer lâĂ©tĂ©, jâĂ©tais avec mes grands-parents toute la journĂ©e, câĂ©tait ce que jâaimais le plus au monde. Jâadore ce genre de clins dâĆil et les choses qui ont Ă voir avec le trĂšs local, je pense quâil faut lâexploiter davantage. On a tendance Ă se focaliser sur lâuniversel et je dis toujours que pour aller loin il faut commencer par ce qui est proche. Et le meilleur exemple que nous ayons est AlmodĂłvar, vous ne pouvez pas ĂȘtre plus local et en mĂȘme temps plusâŠ
SOURCE : Reviews News
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