Les dangers du succĂšs de la sĂ©rie sur Jeffrey Dahmer : costumes, fĂȘtes et blagues pour glorifier un monstre

Les dangers du succĂšs de la sĂ©rie sur Jeffrey Dahmer : costumes, fĂȘtes et blagues pour glorifier un monstre - IcĂŽne

😍 2022-10-20 05:30:00 – Paris/France.

Le tueur en sĂ©rie Jeffrey Dahmer (Milwaukee, 1960 – Portage, 1994) a causĂ© un tel impact sur l’opinion publique amĂ©ricaine, ses crimes Ă©taient si odieux, que bien avant Dahmer (Monstre: L’histoire de Jeffrey Dahmer) –la sĂ©rie crĂ©Ă©e par Ryan Murphy pour Netflix qui n’a pas quittĂ© la liste des contenus vedettes de la plateforme un mois aprĂšs sa premiĂšre en septembre – la fiction l’avait dĂ©jĂ  remarquĂ©.

Quelques mois seulement aprĂšs que Dahmer a Ă©tĂ© arrĂȘtĂ© et accusĂ© du meurtre de 17 hommes (avec lesquels il a ensuite pratiquĂ© la nĂ©crophilie et le cannibalisme), l’auteur iranien basĂ© Ă  Los Angeles Reza Abdoh a crĂ©Ă© l’Ɠuvre en 1991. La loi des restes (The Law of Leftovers), qui parlait d’un meurtrier nommĂ© Jeffrey, Ă©videmment inspirĂ© par Dahmer. En 1993, le premier film sur sa vie est sorti, La vie secrĂšte : Jeffrey Dahmerun documentaire sur son procĂšs a Ă©tĂ© diffusĂ© Ă  la tĂ©lĂ©vision et le cannibale lui-mĂȘme a Ă©tĂ© interviewĂ© dans l’émission Édition intĂ©rieure du rĂ©seau amĂ©ricain CBS (Dahmer Ă©tait une mine d’or pour les criminologues et les fans du noir pour sa volontĂ© de parler sans fioritures, sans justification ni pitiĂ© de ses crimes ou de lui-mĂȘme). En 1995, un an aprĂšs ĂȘtre mort en prison aux mains d’un dĂ©tenu, le Thriller en francais imitateur Cela l’a Ă©levĂ© comme l’un des grands monstres du XXe siĂšcle aux États-Unis.Le protagoniste, Sigourney Weaver, l’a nommĂ© avec Ted Bundy, John Wayne Gacy ou le Boston Strangler au milieu d’une enquĂȘte. Le temps n’a pas eu besoin de mettre sur lui un halo de fascination et de repos : Dahmer Ă©tait un mythe du mal dĂšs l’instant oĂč son nom est apparu dans les mĂ©dias.

Plus de 30 ans plus tard, la fascination pour Dahmer est ravivĂ©e par une sĂ©rie partagĂ©e entre quelques critiques enthousiastes (« tout est pratiquement insupportable dans Dahmerparce que le spectateur est Ă  la fois Ă  l’intĂ©rieur et Ă  l’extĂ©rieur de la tĂȘte du meurtrier, comme dans le classique de Capote [A sangre frĂ­a]mais en allant plus loin, beaucoup plus loin », Ă©crit Laura FernĂĄndez dans EL PAÍS) et les rĂ©actions furieuses comprĂ©hensibles d’au moins la sƓur d’une des victimes, qui considĂšre que son Ă©norme douleur s’est transformĂ©e en divertissement, en esthĂ©tique et en spectacle.

Au milieu de cette dichotomie se trouvent, comme toujours, les spectateurs. Et beaucoup d’entre eux se sont approchĂ©s Dahmer comme qui s’approche Le vol d’argent Soit le jeu du calmar: voir un phĂ©nomĂšne simple et, Ă  Halloween, la possibilitĂ© d’un grand costume.

« Plusieurs facteurs influencent la fascination que ce type de tueur en sĂ©rie exerce sur le public », explique Luis BorrĂĄs Roca, psychiatre spĂ©cialisĂ© en mĂ©decine lĂ©gale et mĂ©dico-lĂ©gale et auteur du livre Tueurs en sĂ©rie espagnols (JM Bosch, 2002). « La raison principale est la peur de la mort, l’idĂ©e que nous-mĂȘmes pouvons ĂȘtre victimes de quelqu’un de semblable. On se sent identifiĂ© Ă  ses victimes et cela nous amĂšne Ă  essayer de comprendre les motivations de son agresseur ». Le spĂ©cialiste souligne Ă©galement que le cas de Dahmer est particuliĂšrement atypique : tueur en sĂ©rie sadique, fĂ©tichiste, nĂ©crophile et cannibale, et c’est aussi un cas trĂšs proche dans le temps. « Jack l’éventreur, par exemple, Ă©tait quelqu’un d’un sadisme similaire, mais nous le voyons aujourd’hui comme quelqu’un de trĂšs loin dans le temps. »

Evan Peters dans le rÎle de Jeffrey Dahmer dans une séquence de la série Ryan Murphy.

Dans les mĂ©dias amĂ©ricains ces jours-ci, il y a un avertissement sur le fait qu’il est inappropriĂ© de se dĂ©guiser en Jeffrey Dahmer Ă  Halloween. « Ce n’est pas le costume meurtrier qu’il faut porter cet Halloween », exhorte un morceau du poste de new york. Les utilisateurs d’Instagram qui ont posĂ© dĂ©guisĂ©s en Dahmer lors de diffĂ©rentes fĂȘtes d’Halloween dĂ©jĂ  cĂ©lĂ©brĂ©es aux États-Unis ont supprimĂ© leurs photos aprĂšs la pluie de critiques. D’autres, comme un influenceur American, se sont plaints que la plateforme les ait supprimĂ©s, comme on pouvait s’y attendre aprĂšs plusieurs plaintes d’autres utilisateurs. « Je tĂ©lĂ©charge Ă  nouveau la photo dĂ©guisĂ©e en Dahmer parce que la prĂ©cĂ©dente a Ă©tĂ© supprimĂ©e », s’est-il plaint. « Ce costume m’a coĂ»tĂ© cher pour subir la censure. » Cela n’avait pas d’importance : Instagram l’a encore supprimĂ©. Les plaintes sont surtout notables et douloureuses de la part des familles des victimes. Shirley Hughes, mĂšre de Tony Hughes, dĂ©cĂ©dĂ© aux mains de Dahmer Ă  l’ñge de 17 ans, a Ă©tĂ© l’une des plus virulentes. « C’est dĂ©jĂ  traumatisant de voir une sĂ©rie Ă  succĂšs sur le tueur, mais d’autant plus que les gens s’habillent comme lui. »

Certaines grandes entreprises contrĂŽlent les dĂ©gĂąts. eBay, par exemple, a commencĂ© Ă  retirer les vĂȘtements ou accessoires vendus comme un « costume de Jeffrey Dahmer », conformĂ©ment Ă  la politique de l’entreprise (« Annonces qui promeuvent, perpĂ©tuent ou glorifient la haine, la violence ou la discrimination », informe l’entreprise dans sa section juridique sur ce qu’il considĂšre comme du matĂ©riel offensant). Mais n’oubliez pas que Dahmer semblait (comme tant d’autres criminels) un type Ordinaire: Il est impossible d’arrĂȘter la vente de chemises, de pantalons ou de lunettes qui lui font penser Ă  lui. Il est trĂšs facile de trouver des « lunettes Jeffrey Dahmer » sur internet : bien qu’elles ne soient pas autorisĂ©es Ă  ĂȘtre vendues en tant que telles, la rĂ©fĂ©rence est prĂ©sente dans les avis et commentaires du produit et y conduit n’importe quel moteur de recherche.

« Le chagrin est un sentiment trĂšs profond », soutient BorrĂĄs, « mais lorsque le meurtrier devient une sorte de hĂ©ros de ce deuil, la famille se sent Ă©galement humiliĂ©e, j’ose dire maltraitĂ©e. Les duels demandent avant tout du calme. Et de tels actes dĂ©rangeants et publics rendent cela impossible ».

Il a Ă©galement Ă©tĂ© dans les nouvelles rĂ©cemment que les lunettes de Jeffrey Dahmer sont mises aux enchĂšres pour 150 000 $. Pas vraiment : les lunettes appartiennent actuellement au collectionneur de crime Taylor James. Sur son site Internet, Cult Collectibles, une section entiĂšre est consacrĂ©e Ă  Dahmer avec divers objets dĂ©jĂ  vendus, comme son rapport psychiatrique, les lettres qu’il a reçues en prison, la disquette contenant les documents du procĂšs ou sa Bible, d’une valeur de 6 000 $. Les lunettes, l’objet le plus prĂ©cieux, ne sont pas directement Ă  vendre, mais selon James lui-mĂȘme, il a dĂ©clarĂ© au site tabloĂŻd TMZ qu’il Ă©tait ouvert Ă  entendre des offres Ă  partir de ce montant via l’e-mail de contact sur son site Web. Il prĂ©tend avoir achetĂ© les lunettes Ă  un homme qui travaillait chez le pĂšre de Dahmer, Lionel (qui est assez important dans la sĂ©rie et a maintenant 86 ans).

Molly Ringwald dans le rÎle de Shari, la belle-mÚre de Jeffrey Dahmer, et Richard Jenkins dans le rÎle de Lionel Dahmer, son pÚre, dans la série « Monster : The Jeffrey Dahmer Story ».©Netflix/Courtesy Everett Collection / Cordon Press

En tout cas, le phĂ©nomĂšne semble difficile Ă  maĂźtriser. Sur TikTok, le meurtrier est source d’humour : « Et si Jeffrey Dahmer Ă©tait Argentin ? », demande une vidĂ©o Ă  350 000 J’aime. « Et si Jeffrey Dahmer avait un colocataire ? », demande un autre qui dĂ©passe les deux millions J’aime. Un autre : « Et si Jeffrey Dahmer sortait avec un Arabe ? » Et un autre : « Et si Eminem allait chez Jeffrey Dahmer ? » La youtubeur DuB Bridges, avec prĂšs de 1,4 million de followers, a Ă©tĂ© le dernier Ă  ĂȘtre critiquĂ© pour avoir publiĂ© une vidĂ©o parodique dans laquelle il a vĂ©cu « comme Jeffrey Dahmer » pendant une journĂ©e entiĂšre. Dans sa prochaine vidĂ©o, intitulĂ©e « Alors j’ai Ă©tĂ© annulé », il admet qu’il ne savait pas qui Ă©tait Dahmer jusqu’à ce qu’il ait vu le premier Ă©pisode de la sĂ©rie.

Le phĂ©nomĂšne n’est pas exclusivement amĂ©ricain : dans une boĂźte de nuit d’Aix en Provence, sur la CĂŽte d’Azur, le Complex club, une soirĂ©e sur le thĂšme de Jeffrey Dahmer est annoncĂ©e pour Halloween. Du club, ils ont dĂ©noncĂ© que le propriĂ©taire avait reçu des menaces de mort depuis que l’évĂ©nement avait Ă©tĂ© rendu public. Étant donnĂ© qu’ils publient des captures d’écran de la critique sur leur propre page Facebook et n’y rĂ©pondent pas exactement avec affirmation, ils semblent ravis de la publicitĂ©.

Ce n’est pas la premiĂšre fois que Dahmer se faufile dans la culture populaire la plus inoffensive. Dans la chanson de Katy Perry cheval noir (2013), le rappeur Juicy J. inclut les lignes suivantes Ă  propos d’une femme : « C’est une bĂȘte / Je l’appelle Karma / Elle te mangera le cƓur comme Jeffrey Dahmer. » Le thĂšme Ă©tait numĂ©ro un aux États-Unis et l’un des plus rĂ©ussis de la dĂ©cennie. Une autre chanteuse apparemment anodine, Kesha, a inclus une rĂ©fĂ©rence Ă  Dahmer dans sa chanson. cannibale (2010). « Utilise ton doigt pour remuer mon thĂ© / Par courrier, je te sucerai les dents / Si tu es trop gentil, tu disparaĂźtras / Je ferai Jeffrey Dahmer avec toi. » La chanson n’a pas Ă©tĂ© un aussi grand succĂšs que celle de Perry (elle n’a pas dĂ©passĂ© 1977 aux États-Unis). La controverse, comme cela arrive si souvent, a mis des annĂ©es Ă  arriver. Ce n’est qu’à la premiĂšre de Dahmer quand beaucoup semblaient se rappeler que Dahmer Ă©tait mentionnĂ© dans deux de leurs chansons pop prĂ©fĂ©rĂ©es. Un commentaire amusant sur la vidĂ©o de Dark Horse dit « les gars, vous a-t-il fallu neuf ans et une sĂ©rie Netflix pour le comprendre ? ». Il a 37 000 J’aime.

Parmi les six auteurs de cheval noir personne n’en a rien dit jusqu’à prĂ©sent. Des quatre de cannibale, un : la mĂšre de Kesha, co-auteur rĂ©gulier de ses chansons. Dans une vidĂ©o TikTok, il explique que la rĂ©fĂ©rence Ă  Dahmer a Ă©tĂ© suggĂ©rĂ©e par un Logiciel appelĂ© Masterwriter qui est prĂ©sentĂ© comme un outil pour les compositeurs et dans lequel taper un mot suggĂšre des rimes possibles. « Kesha et les autres auteurs-compositeurs Ă©taient trop jeunes pour savoir qui Ă©tait Jeffrey Dahmer », a-t-il dĂ©clarĂ©. « Quand on cherchait un mot qui rime avec disparu, le spectacle suggĂ©rait celui de Jeffrey Dahmer. Et j’ai pensĂ© : ‘C’est parfait’. Il y a d’autres exemples : Siouxsie and the Banshees ont une chanson sur Peter Sutcliffe, le Yorkshire Ripper. Et Jane’s Addiction en a un sur Ted Bundy (avec qui Netflix a aussi osĂ© et qui a donnĂ© vide Zac Efron, mĂȘme si pour l’instant personne ne s’est dĂ©guisĂ© en lui).

MalgrĂ© l’accent que Ryan Murphy et le co-crĂ©ateur Ian Brennan ont mis sur le fait de ne pas glorifier le tueur et d’honorer les victimes, malgrĂ© la façon dont la sĂ©rie indique clairement qu’un systĂšme de police endĂ©miquement raciste et homophobe a systĂ©matiquement ignorĂ© les signes qui auraient pu conduire Ă  l’arrestation le criminel beaucoup plus tĂŽt, Dahmer il a pris une vie propre entre les mains des spectateurs qui le rend problĂ©matique : lĂ  oĂč il faudrait sensibiliser et rĂ©flĂ©chir, il ne semble y avoir que fascination, un Dahmer revalorisĂ© en icĂŽne des horreurs. Et qu’il soit jouĂ© par Evan Peters, un acteur bien connu de l’usine Murphy et idole Ă©rotique depuis une gĂ©nĂ©ration, n’aide pas. comme demandĂ© La prise dans une analyse : « Que se passe-t-il lorsque vous faites un portrait cinĂ©matographique d’un monstre avec un acteur de cinĂ©ma bien-aimĂ© ? LycĂ©e musical? » [en referencia al Ted Bundy de Zac Efron]. Eh bien, pour beaucoup sans rapport avec le cas rĂ©el, mais familiers avec le travail colorĂ© et baroque de Murphy, cela devient un autre Ă©pisode de sa chronique des horreurs de l’AmĂ©rique contemporaine. Comme si c’était une autre saison histoire d’horreur amĂ©ricaine. Encore un spĂ©cial Halloween. C’était spĂ©cial, mais pas de cette façon.

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SOURCE : Reviews News

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