đż 2022-11-16 18:30:55 â Paris/France.
« Sans histoires, nous ne sommes rien ». « El prodigio » sâouvre sur deux des meilleures minutes de cinĂ©ma de lâannĂ©e, invitant le spectateur Ă entrer dans le film, mettant en lumiĂšre quelque chose qui sera vital tout au long du film et qui est directement liĂ© Ă notre prĂ©sent : lâimportance de maĂźtriser le rĂ©cit, la force de la fiction dans le rĂ©elle besoin humain de sâaccrocher Ă une croyance aussi farfelue soit-elle et Ă tout prix.
Nouveau de Sebastian Lelio pour Netflix est, avec la permission de « Knives in the Back: The Mystery of the Glass Onion », son meilleur long mĂ©trage cette annĂ©eet câest en grande partie parce quâau lieu dâĂȘtre un vĂ©hicule de parade pour une actrice ou un rĂ©alisateur, il permet au scĂ©nario de prendre les rĂȘnes : un scĂ©nario Ă double couche de profondeur, des conversations entre le passĂ© et le prĂ©sent et un mystĂšre qui, en fait, nâĂ©tait quâun prĂ©texte pour parler de ce qui compte vraiment.
La fille, qui ne me mange pas
« Le prodige » commence par un miracle : une fille, dans la campagne irlandaise de 1862, survivre sans manger pendant des mois, uniquement avec le pouvoir de la foi. Et bien quâau dĂ©but, il semble que le film va ĂȘtre basĂ© sur la recherche de la raison pour laquelle il peut survivre sans manger, Lelio finit par rĂ©vĂ©ler ses cartes dans un reflet du prĂ©sent qui oblige le spectateur Ă rĂ©flĂ©chir sur ce quâil voit.
Ces derniĂšres annĂ©es, la politique (et avec elle, le monde) a pris un tournant : la rĂ©alitĂ© importe de moins en moins. Ce qui compte, câest ce quâils ont vilement appelĂ© « lâhistoire ». ContrĂŽlez le rĂ©cit des faits et ne laissez pas les gens tirer leurs propres conclusions de la rĂ©alitĂ©, mais permettez aux sentiments dâĂȘtre plus importants que ce qui est facilement vĂ©rifiable. Dans âEl prodigioâ, il nây a pas de rĂ©seaux sociaux, mais ils ne sont pas nĂ©cessaires pour alimenter la dĂ©sinformation et stigmatiser comme hĂ©rĂ©tique quiconque vient avec une opinion contraire Ă celle de lâhistoire Ă©tablie. La ville de la bande Ils ne veulent pas entendre la vĂ©ritĂ© : ils veulent juste que leur rĂ©alitĂ© soit corroborĂ©e Ă tout prix. Est ce que cela te dis quelque chose?
Pouvant tomber dans lâĂ©niĂšme dĂ©bat entre science et religion, Sebastian Lelio sait aller plus loin et traiter la cause mĂȘme de lâaffrontement en question : il ne sâagit pas de bien contre mal, mais de des gens qui croient avec ferveur en quelque chose dâantagoniste. Et reconnaĂźtre que lâautre cĂŽtĂ© peut avoir en partie raison, pour quelque raison que ce soit, est une dĂ©faite. MĂȘme le simple doute du dogme Ă©tabli est dĂ©jĂ un symptĂŽme de honte. Quiconque croit que « The Prodigy » se dĂ©roule au 19Ăšme siĂšcle, rĂ©flĂ©chissez-y plusieurs fois.
Lâartifice de lâhistoire
Bien quâil semble que Lelio nous prĂ©vienne Le danger dâun rĂ©cit mal compris, la vĂ©ritĂ© est que tout le film souligne la nĂ©cessitĂ© et le pouvoir de la fiction dans nos vies en tant quâĂ©lĂ©ment transformateur, qui va au-delĂ de ce que la raison peut faire. En fin de compte, une bonne histoire ne peut ĂȘtre combattue que contre une autre tout aussi bonne, que notre public soit un ou des millions. Une bonne histoire peut vous sauver la vie.
Le film ne tiendrait pas aussi bien sâil nây avait pas le magnifique travail dâune Florence Pugh qui a toujours choisi ses projets avec un grain de sel, savoir swinguer avec une perfection presque chirurgicale entre cinĂ©ma prestigieux (âMidsommarâ, âLady Macbethâ, âLittle Womenâ) et grand public (âBlack Widowâ, le futur âDune : part 2â) et qui offre ici un rĂŽle fantastique, savoir rĂ©sumer la frustration et la raison par une modulation de la voix et des gestes dâun vrai professeur.
Pour sa part, le petit Kila Lord Cassidy, Ă peine 13 ans, offre tout un rĂ©cital, prouvant une fois de plus que les enfants acteurs sont piĂ©tinants et Ă©tonnamment prĂ©parĂ©s. En une annĂ©e de performances incroyables pour enfants (âTori y Lokitaâ, âCloseâ, âArmageddon Timeâ, âLa maternelleâ), Cassidy brille de sa propre lumiĂšre rendant un personnage crĂ©dible qui croit ardemment Ă la fiction quâon vous a racontĂ©emĂȘme si câest au prix de sa propre vie.
un prodige imparfait
Bien que les intentions de âThe Prodigyâ soient trĂšs bonnes et, pour la plupart, elles les remplissent avec une fabuleuse dĂ©licatesse et simplicitĂ©, ce nâest pas aussi parfait quâil pourrait lâĂȘtre, en grande partie Ă cause dâun Ă©pilogue que, bien quâil serve de conclusion Ă une histoire, il nâest pas traitĂ© avec la mĂ©ticulositĂ© du reste de la sĂ©quence. La fin de lâhistoire est accĂ©lĂ©rĂ©e, mĂȘme si ce nâest pas une erreur, mais une dĂ©cision consciente.
La bande originale du film (« In⊠OutâŠÂ ») prĂ©pare et accĂ©lĂšre le dĂ©nouement, un avion majestueux qui rejoint le premier offrant une catharsis audiovisuelle qui peut facilement ĂȘtre confondu avec slapstick. Le risque que prend Leilo est trĂšs fort : briser les attentes en montrant lâarriĂšre-salle de la fiction peut amener le public Ă ne pas vouloir en savoir plus aprĂšs ses premiĂšres mesures. « Le prodige » est une fiction sur la fiction qui nâa pas honte de son identitĂ© narrative. Et câest plus que louable.
Parfois, tout ce qui peut bien se passer dans un film se passe bien. Une mise en scĂšne sĂ»re, un scĂ©nario intelligent, des performances dĂ©diĂ©es, un ton qui ne fait pas peur au tĂ©lĂ©spectateur moyen, se rejoignent. Câest Ă ces occasions quâune cassette comme âThe Prodigyâ sort, ce qui montre que Sebastian Leilo en sait beaucoup sur le storytelling, le pouvoir du rĂ©cit et la nĂ©cessitĂ© de faire face au prĂ©-Ă©tabli pour le bien commun. Tout un prodige.
SOURCE : Reviews News
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