đ 2022-11-29 17:55:00 â Paris/France.
La situation ne donnait plus pour plus. Depuis 2011, date du dĂ©but de la guerre civile en Syrie, les maisons et immeubles bombardĂ©s font peu Ă peu partie du paysage. La prĂ©sence de lâarmĂ©e Ă©tait quelque chose dâaussi commun quâagressif et la mort devenait une question trop proche.
Mais Les choses ont fini par se compliquer pour les Mardinis lorsquâun projectile a atterri en plein dans le gymnase oĂč la famille soutenait Yusra, la deuxiĂšme fille qui participait alors Ă une compĂ©tition de natation. Yusra et Sarah, sa sĆur aĂźnĂ©e, nageaient depuis quâelles Ă©taient petites. Son pĂšre Ă©tait son entraĂźneur et rĂȘvait que les jeunes femmes projettent une carriĂšre olympique. Un vĆu devenu pratiquement impossible Ă rĂ©aliser dans son pays natal.
Les Nageurs (Netflix)
A leur grand regret, les parents ne pouvaient plus renier le vĆu de leurs filles : quitter la Syrie coĂ»te que coĂ»te, comme le faisaient la plupart de leurs amis encore en vie. Ainsi, armĂ©es de bagages lĂ©gers et de lâargent que leur pĂšre a obtenu grĂące Ă un prĂȘt, les jeunes femmes partent pour lâAllemagne, imaginant Ă peine tout ce quâelles vont devoir vivre dĂ©sormais.
Ce voyage plein de dĂ©sirs et dâespoirs donne vie Ă les nageurs (2022), un film rĂ©alisĂ© par la cinĂ©aste Sally El Hosaini, qui est restĂ©e ces jours-ci au sommet des films les plus jouĂ©s sur Netflix. Le long mĂ©trage montre non seulement la rĂ©alitĂ© de milliers de personnes contraintes dâĂ©migrer de leur pays, mais fonde Ă©galement son argumentation sur lâhistoire vraie des sĆurs Mardini.
Selon les mots dâEl Hosaini, excluant certains Ă©lĂ©ments fictifs inclus pour couvrir la rĂ©alitĂ© dâautres rĂ©fugiĂ©s, lâhistoire est soigneusement attachĂ©e Ă ce que les jeunes femmes ont vĂ©cu. Un rĂ©sultat qui a Ă©tĂ© possible grĂące au travail main dans la main avec la famille et Ă une recherche approfondie sur les conditions dans lesquelles les migrants du Moyen-Orient sâinstallent sur les cĂŽtes europĂ©ennes.
« Yusra et Sara ont participĂ© Ă la rĂ©alisation du film dĂšs le dĂ©but. Beaucoup de recherches ont Ă©tĂ© faites avec sa famille. Nous nous sommes principalement attachĂ©s Ă la vĂ©ritĂ©, mais il y a eu des moments oĂč des fictions ont Ă©tĂ© faites, mais toujours pour nous permettre dâhonorer lâhistoire plus large des rĂ©fugiĂ©s plutĂŽt que simplement lâhistoire de Yusra et Sara. Aussi inspirante que soit lâhistoire de Yusra et Sara, elles sont les 1 %, et nous voulions Ă©galement reprĂ©senter les 99 % de rĂ©fugiĂ©s qui nâont pas cette fin ou ce rĂ©sultat heureux.», a commentĂ© le rĂ©alisateur dans une interview au magazine Forbes. « Personne ne veut faire un faux film, et lâauthenticitĂ© Ă©tait la chose la plus importante pour moi pour rĂ©soudre ce problĂšme. Jâai compilĂ© mes propres recherches et tous les membres de lâĂ©quipe savaient Ă quel point lâauthenticitĂ© Ă©tait importante, et nous lâavons maintenue au plus haut niveau.
Parmi les dĂ©fis assumĂ©s par lâĂ©quipe figurait la recrĂ©ation de lâitinĂ©raire de ceux qui traversent de la Turquie Ă lâĂźle de Lesbos, en GrĂšce. « Hassan Akkad, notre producteur associĂ© et Ă©galement notre consultant, a lui-mĂȘme fait le dĂ©placement. Nous avons utilisĂ© les images de son tĂ©lĂ©phone portable et les images des tĂ©lĂ©phones portables dâautres personnes qui avaient fait le voyage. En fait, nous avons projetĂ© beaucoup de rĂ©fugiĂ©s dans le film qui avaient fait le mĂȘme voyage, et il y avait des rĂ©fugiĂ©s qui travaillaient sur le film dans les coulisses. Tout cela a permis de sâassurer que nous racontions lâhistoire de la bonne maniĂšre », a dĂ©clarĂ© El Hosaini.
Ils ont Ă©galement choisi dâemployer de jeunes traducteurs capables dâadapter le script de lâanglais Ă lâarabe aussi fidĂšlement que possible. Dans le film, les sĆurs Mardini sont jouĂ©es par Manal et Nathalie Issa, Ă©galement sĆurs, un dĂ©tail qui pour le rĂ©alisateur a ajoutĂ© de la chimie et de la vraisemblance Ă la projection de la relation entre Sarah et Yusra Ă lâĂ©cran.
Les Nageurs (Netflix)
Lâhistoire des sĆurs Mardini est devenue publique en 2016, lorsque le ComitĂ© international olympique (CIO) a annoncĂ© la crĂ©ation dâune nouvelle dĂ©lĂ©gation qui permettrait aux athlĂštes ayant le statut de rĂ©fugiĂ© de participer aux Jeux olympiques de Rio.. Bien que lâinitiative ait Ă©tĂ© bien apprĂ©ciĂ©e, les places pour les athlĂštes qui participeraient aux jeux sous lâaile du CIO Ă©taient limitĂ©es.
Lâagence a publiĂ© la liste des personnes sĂ©lectionnĂ©es en mars de la mĂȘme annĂ©e, et parmi les dix sĂ©lectionnĂ©s figurait le nom de la nageuse syrienne Yusra Mardini. comme on le voit dans les nageurs, Yusra et sa sĆur Sarah ont commencĂ© ce sport dĂšs leur plus jeune Ăąge. Son pĂšre, entraĂźneur de natation, a commencĂ© Ă la prĂ©parer alors quâelle nâavait que trois ans. Ainsi a commencĂ© une passion qui lâaccompagne jusquâĂ ce jour.
Yousra Mardini. Photo dâAlexander Hassenstein (Getty Images pour le ComitĂ© international olympique)
Loin dâĂȘtre un simple passe-temps, Yusra a commencĂ© sa carriĂšre comme athlĂšte de haut niveau reprĂ©sentant la Syrie au sein de lâĂ©quipe nationale, sous lâaile du ComitĂ© Olympique de son pays. DĂšs son plus jeune Ăąge, il a commencĂ© Ă ajouter des mĂ©dailles et a mĂȘme participĂ© Ă un championnat du monde de natation avant de migrer.
Mais les choses ont changĂ© avec le dĂ©but de la guerre. « Tout Ă coup, tu ne pouvais plus aller lĂ oĂč tu voulais aller, ou ta mĂšre tâappelait quand tu Ă©tais en chemin pour te dire : âReviens; il se passe quelque chose lĂ -bas' », a commentĂ© la jeune femme lors dâune conversation avec le New York Times. Dans la mĂȘme interview, il a dĂ©clarĂ© que sa maison familiale a Ă©tĂ© dĂ©truite lors du massacre de Daraya, lâune des attaques les plus violentes des premiĂšres annĂ©es de la guerre qui a fait des centaines de victimes civiles.
En cours de route, deux de ses camarades nageurs sont morts. En 2015, elle et ses parents ont rĂ©alisĂ© que la situation Ă©tait devenue intenable. R) Oui, Le 12 aoĂ»t 2015, la jeune femme voyageait avec sa sĆur Sarah et deux cousins ââdans le but de rejoindre lâAllemagne.
Yousra Madrini. Photographie de Gordon Welters (The New York Times)
Ils ont dâabord dĂ©mĂ©nagĂ© de Damas, la capitale syrienne, Ă Istanbul. LĂ , ils ont contactĂ© des contrebandiers, dans le but dâatteindre les cĂŽtes europĂ©ennes. Ils se sont ainsi dirigĂ©s vers Izmir, en Turquie, oĂč ils ont Ă©tĂ© laissĂ©s dans une forĂȘt prĂšs de la cĂŽte pour embarquer sur un bateau pour lâĂźle grecque de Lesbos. Au total, le groupe Ă©tait composĂ© dâune trentaine de futurs rĂ©fugiĂ©s.
Quand leur tour est venu, les sĆurs Mardini ont dĂ» monter Ă bord dâun petit bateau avec 18 autres personnes, oĂč se trouvait un garçon de 6 ans.. Alors quâils naviguaient depuis environ 20 minutes, le moteur du bateau est tombĂ© en panne. Sur les 20 personnes en haut, seules quatre savaient nager. Le soleil sâĂ©tait dĂ©jĂ couchĂ© et la marĂ©e devenait de plus en plus violente.
« Tout le monde priait. Nous appelions la police turque, la police grecque, en disant : âSâil vous plaĂźt, aidez-nous. Nous avons des enfants ! Nous nous noyons !â Et ils nâarrĂȘtaient pas de dire : âFais demi-tour et reviens. Faites demi-tour et revenezâ », se souvient lâathlĂšte auprĂšs des mĂ©dias amĂ©ricains. Nâayant pas dâautres options, les sĆurs ont dĂ©cidĂ© de sauter dans la mer et de nager pendant plus de trois heures pour faire atterrir le bateau.
Yousra Madrini. Photographie de Gordon Welters (The New York Times)
A ce moment, Yusra avoue avoir pensĂ© : « Suis-je un nageur et Ă la fin je vais mourir dans lâeau ? » Heureusement, ils ont rĂ©ussi Ă atteindre vivants la cĂŽte de lâĂźle. Mais lĂ , ils commenceraient une sĂ©rie de pĂšlerinages et de voyages dans des vĂ©hicules de contrebande Ă travers la GrĂšce, la Serbie, la Hongrie et lâAutriche, jusquâĂ arriver finalement en Allemagne.
Ses premiers souvenirs du pays allemand sont les longues files dâattente au point dâenregistrement des rĂ©fugiĂ©s et les procĂ©dures interminables, avec un climat de tempĂ©ratures constantes en dessous de zĂ©ro. Petit Ă petit, la nĂ©cessitĂ© de poursuivre sa formation maritime refait surface.
GrĂące au camp de rĂ©fugiĂ©s, la jeune femme a trouvĂ© Wasserfreunde Spandau, un centre de natation construit pour les Jeux olympiques de 1936 organisĂ©s par lâAllemagne nazie. LĂ , il a commencĂ© Ă reprendre sa routine sous la tutelle de lâentraĂźneur Sven Spannekrebs, pour rattraper deux ans sans activitĂ© sportive. Lâobjectif initial Ă©tait de prĂ©tendre aux Jeux olympiques de Tokyo 2022.
Yousra Madrini. Photographie de Gordon Welters (The New York Times)
BientĂŽt, des rumeurs ont commencĂ© Ă circuler sur la dĂ©lĂ©gation de rĂ©fugiĂ©s pour les jeux de Rio 2016. Câest alors que Yusra et Spannekrebs ont dĂ©cidĂ© dâintensifier la routine pour obtenir les notes nĂ©cessaires afin que la jeune femme puisse participer Ă lâĂ©dition qui devait alors se tenir. Mardini a rĂ©ussi Ă exceller et Ă concourir Ă Rio, dans le 100 mĂštres nage libre et le 100 mĂštres papillon.
MĂȘme si Yusra Ă©tait Ă©galement constamment occupĂ©e Ă rendre visible la situation des rĂ©fugiĂ©s, câest Sarah qui a le plus fortement suivi la voie de lâactivisme.. AprĂšs tout ce quâelle a vĂ©cu avec sa sĆur, la jeune femme a dĂ©cidĂ© de sâinstaller Ă nouveau sur lâĂźle de Lesbos, dans le but dâapporter une aide humanitaire aux personnes arrivĂ©es sur le continent par la mer, comme elle lâavait fait il y a quelques annĂ©es.
Yusra et Sarah Mardini (Getty Images)
En 2018, Sarah a Ă©tĂ© arrĂȘtĂ©e avec 23 autres militants de lâONG ERCI (Emergency Response Center International, pour son sigle), accusĂ©e de trafic dâĂȘtres humains, dâespionnage et de blanchiment dâargent par le gouvernement grec dirigĂ© par Kyriakos Mitsotakis.. Selon lâacte, le travail des bĂ©nĂ©voles cachait un rĂ©seau prĂ©sumĂ© de passeurs de migrants, responsable dâavoir facilitĂ© lâentrĂ©e de centaines de personnes en GrĂšce entre 2016 et 2018.
Cependant, diverses organisations de dĂ©fense des droits de lâhomme ont soulignĂ© que la mesure faisait partie dâune persĂ©cution constante par divers gouvernements europĂ©ens contre les organisations humanitaires. Plus prĂ©cisĂ©ment, Amnesty International a soulignĂ© que la mesure prise contre Mardini constituait une tentative de pĂ©naliser la solidaritĂ© envers les rĂ©fugiĂ©s et les migrants.
« JusquâĂ 25 ans de prison, ils pourraient ĂȘtre condamnĂ©s. Câest la derniĂšre chose qui leur est venue Ă lâesprit lorsquâils effectuaient leur mission sur lâĂźle grecque : repĂ©rer les bateaux en danger et aider les personnes qui sây trouvaient pour quâils ne se noient pas », lit-on dans une pĂ©tition publiĂ©e sur le site dâAmnesty International. pour la libertĂ© de Sarah Mardini et SeĂĄn Biden, qui ont passĂ© prĂšs de 100 jours en prison. AprĂšs diverses manifestations et campagnes, en novembre 2021, le procĂšs a Ă©tĂ© reportĂ© jusquâĂ nouvel ordre.
Sarah Mardini et SeĂĄn Biden (photo dâAmnesty International)
SOURCE : Reviews News
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