đ 2022-07-26 03:30:00 â Paris/France.
Netflix est en difficultĂ©. Il suffit de lire les pages Ă©conomiques des journaux. Mais il a un plan, et il vient de le sortir Ă la fois en salles et sur sa plateforme. lâagent invisible il devient le Ă©niĂšme James Bond, Jason Bourne⊠ou Ethan Hunt. Oui, peut-ĂȘtre que ce dernier hĂ©ros dâaction, avec Tom Cruise, correspond mieux aux circonstances : il fait face Ă un vrai Mission impossible, stopper lâhĂ©morragie dâabonnĂ©s de votre distributeur. Le titre en anglais Lâhomme grissemble dĂ©jĂ peu flatteur, en raison de sa grisaille, bien quâil ait au moins son point de mystĂšre, mais la version pour lâEspagne frĂŽle le cruel, Ă©tant donnĂ© la visibilitĂ© dĂ©croissante de Netflix sur le marchĂ© aprĂšs un Ăąge dâor qui lâa mĂȘme amenĂ© Ă manger dans la table trĂšs hollywoodienne, Oscars compris.
Le film est pas mal. Divertissant. Conventionnel. La proposition initiale de lâargument ressemble plus Ă La Affaire Bournebien quâavec une intrigue psychologique (infiniment) moins sophistiquĂ©e. Lâhypertrophie de lâaction, surtout Ă la fin, tire plus pour Mission impossible. Le talent hiĂ©ratique, aux touches ironiques brillantes, de lâexcellent Ryan Gosling laisse un parfum de plus dâun Bond amĂ©ricanisĂ© avec une touche patibulaire (le scĂ©nario fait une blague facile mais efficace avec son numĂ©ro dâagent : six). Ana de Armas, qui a dâailleurs dĂ©jĂ fait ses premiers idems en tant que Bond girl lâan dernier, sans aller plus loin, dans pas le temps de mourir, fait monter la tempĂ©rature avec un profil intĂ©ressant de partenaire (presque) au mĂȘme niveau hĂ©roĂŻque que le protagoniste. Ensuite, il y a une gentille fille Ă protĂ©ger, Ă compenser. Billy Bob Thornton propose le cache en tant que secondaire plus ou moins consommable et⊠Câest amusant. Ah, lâintrigue : un agent infiltrĂ© de la CIA dĂ©couvre que la direction de lâAgence est pourrie et est hantĂ©e par les plus frais de la planĂšte et tel ou tel. Divertissant.
Et cher, trĂšs cher. Netflix lâa jouĂ© et, comme la chose nâest pas pour les expĂ©riences, câĂ©tait un plan fixe. Comme dans le cas de Bond ou Bourne, le film est basĂ© sur une sĂ©rie de romans, en lâoccurrence dâun certain Mark Greaney. Pour le moment, il a Ă©crit 12. En dâautres termes, si les choses semblent bonnes, alors allez-y. Pour diriger lâaffaire, deux frĂšres dont le nom de famille nâest pas Coen, justement, mais Russo ; dĂ©couverts pour leur travail sur la brillante et originale sĂ©rie Community, ils se sont depuis consacrĂ©s (et doublĂ©s, je suppose) au mĂ©tier courant dominant faire quelques Avengers et un autre de Captain America. Le tout trĂšs amusant.
Presque plus intĂ©ressante que les aventures de Ryan Gosling et Ana de Armas est celle de Netflix, vĂ©ritable trame de fond du film. Il y a quelques semaines, la Global Streaming Study rĂ©alisĂ©e par le cabinet de conseil Simon-Kucher and Partners a Ă©tĂ© dĂ©voilĂ©e, qui prĂ©dit que plus dâun tiers des utilisateurs annuleront lâun de leurs abonnements dans les 12 prochains mois. Cependant, plus de la moitiĂ© (53 %) reconsidĂ©reraient si leurs frais dâabonnement Ă©taient infĂ©rieurs, mĂȘme si cela implique de diffuser des publicitĂ©s. Selon Hans Munz, associĂ© chez Simon-Kucher & Partners, « Cela indique que les modĂšles hybrides dâannonces et de frais dâabonnement ont du potentiel et ouvrent la porte Ă une nouvelle Ăšre de monĂ©tisation mobile. diffusion». Il y a quelques jours, Netflix a confirmĂ© le secret de polichinelle quâil couvrait au printemps dernier : il va briser la barriĂšre de lâexclusivitĂ© quâil avait jusque-lĂ prĂ©sumĂ© inclure de la publicitĂ©. La baisse correspondante du nombre dâabonnĂ©s due Ă la possibilitĂ© de payer pour quelque chose de similaire Ă Telecinco semble comprĂ©hensible, mais il est Ă©galement comprĂ©hensible que Netflix en ait assez de gaspiller de lâargent : quâen Ă©tait-il du partage de notre compte pour le mĂȘme argent ?
Creusons un peu plus. retour en arriĂšre Ă la chanson New York Times a saluĂ© le film en rĂ©flĂ©chissant sur ses origines : « Netflix, encore chancelant, parie fortement avec âLâagent invisible' », titrait-il. La lĂ©gende explique : « Le service de diffusion espĂšre que sa derniĂšre sortie sera le dĂ©but dâune franchise Ă succĂšs qui attirera des abonnĂ©s indispensables. » Les 200 millions de dollars de budget ça sent la fuite en avant et ils dĂ©montrent de maniĂšre convaincante comment lâindustrie influence le contenu mĂȘme de lâart. « Cela aurait Ă©tĂ© un film radicalement diffĂ©rent », reconnaĂźt Joe Russo, son co-rĂ©alisateur, lorsquâon lui demande ce qui se serait passĂ© si Sony lâavait commandĂ©, comme initialement prĂ©vu. Sans Netflix, explique-t-il, ils auraient dĂ» rĂ©duire dâun tiers le budget et donc la qualitĂ© de lâaction du film. Et le montant, dis-je. Peut-ĂȘtre, pauvres de nous, une demi-heure de coups de feu et dâexplosions en moins aurait permis Ă Ryan Gosling de dĂ©velopper ses talents vers quelque chose de plus⊠Bourne. Ce nâĂ©tait pas ennuyeux non plus, remarquez.
Mais Netflix ne peut pas se permettre trop de nuances. Lâarticle de NYT explique que ces derniers mois, Netflix « a Ă©tĂ© critiquĂ© par certains dans lâindustrie pour combien â ou combien peu â il dĂ©pense pour la commercialisation de films individuels. Son budget marketing est restĂ© essentiellement le mĂȘme depuis trois ans, malgrĂ© une concurrence considĂ©rablement accrue de services comme Disney + et HBO Max. Les crĂ©ateurs se demandent souvent sâils vont obtenir tout le muscle marketing de Netflix ou juste quelques panneaux dâaffichage sur Sunset Boulevard. » tel quelavec un million dâabonnĂ©s perdus au dernier trimestre, Mieux vaut que le produit se vende tout seul.
Et ceux qui se vendent bien doivent ĂȘtre mieux emballĂ©s, en pressant chaque dernier dollar. Au milieu de lâangoisse de ces derniers mois, la sĂ©rie choses Ă©tranges a servi de baume pour les blessures de Netflix. La premiĂšre partie de la quatriĂšme et avant-derniĂšre saison a Ă©tĂ© crĂ©Ă©e en mai avec un nombre record. Pour le second, lancĂ© Ă une date aussi financiĂšrement critique que le 1er juillet, les programmeurs ont donnĂ© une tournure surprenante : si le premier se composait de huit Ă©pisodes dâune durĂ©e dâenviron une heure (mĂȘme si le dernier le dĂ©passait dĂ©jĂ , suspicieusement), le second Ă©tait rĂ©solu avec deux de 1 heure et 25 minutes et prĂšs de deux heures et demie, respectivement. Pourquoi une telle frĂ©nĂ©sie et un tel dĂ©coupage arbitraire de la saison ? Dans CNN Affaires, par exemple, sont trĂšs clairs : « Les fans ne vont guĂšre rĂ©silier leur abonnement avant dâavoir vu toute la saison. Avec de nouveaux Ă©pisodes dans deux trimestres diffĂ©rents, autour des week-ends de vacances, la sociĂ©tĂ© a de meilleures chances de fidĂ©liser ses abonnĂ©s, ce dont elle a besoin pour garder Wall Street heureux. »
choses Ă©tranges Câest plus quâun simple divertissement. Quâon le veuille ou non, personne ne peut contester son originalitĂ©, malgrĂ© (ou prĂ©cisĂ©ment Ă cause de) sa structure rĂ©fĂ©rentielle en pastiche. Sa structure de consommation sâest considĂ©rablement modifiĂ©e, modifiant la perception de sa qualitĂ©. Au pire ? question de goĂ»t Mais en poussant la question plus loin, est-ce le dernier exemple honteux de la façon dont lâindustrie peut contaminer lâart ? Ne soyons pas choquĂ©s non plus. Une grande partie de la gloire de la Renaissance est due au caprice des mĂ©cĂšnes. « Quel scandale, le voilĂ jouĂ© ! », lance le capitaine Renault dans Maison Blancheune Ćuvre dâart incontestable⊠produite et distribuĂ©e par Warner, Majeur par excellence du Hollywood le plus industriel.
SOURCE : Reviews News
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