đż 2022-07-22 08:54:53 â Paris/France.
Lâun des points les plus dĂ©routants de Lâagent invisiblede Netflix, est lâincapacitĂ© de lâargument Ă englober toutes ses ambitions. Dâune part, il sâagit dâun Thriller en francais dans lequel un hĂ©ros rĂ©ticent doit affronter un mĂ©chant habile. A lâautre extrĂȘme, une structure qui analyse le pouvoir et ses ramifications dans un contexte inquiĂ©tant. Mais en rĂ©alitĂ©, le nouveau film des Russo Brothers nâest guĂšre plus quâun bon aperçu du genre dâaction. Et câest dans la mesure oĂč lâargument est incapable de soutenir ses meilleurs points. Ou en tout cas, de plonger dans ses subtilitĂ©s.
Lâagent invisible, comme prĂ©misse, ne semble passer que par deux points. La section visuelle, dans laquelle les cascades visuelles sont Ă©crasantes, est une combinaison de technique et dâingĂ©niositĂ© dâune valeur considĂ©rable. Dâautre part, les moments oĂč il essaie de justifier le comportement de ses personnages. Ou, du moins, les rendre crĂ©dibles. Mais le scĂ©nario nâest pas assez Ă©pais pour rĂ©ussir, alors le long mĂ©trage semble flotter dans ses interminables scĂšnes dâaction. Ayant du mal Ă raconter une histoire qui tente de se plonger dans des machinations, des stratĂ©gies et des dĂ©cisions basĂ©es sur lâexpertise technique, le film dĂ©cline dans sa premiĂšre section. Plus prĂ©cisĂ©ment, lorsquâil a du mal Ă entrer dans la psychologie de personnages plats, maladroits et, le plus souvent, plus axĂ©s sur lâapparence sportive que brillante.
En fait, le film trouve ses meilleurs moments lorsque ses deux personnages principaux doivent se faire face. Court Gentry (Ryan Gosling) est un tueur Ă gages de la CIA en fuite. Et câest la façon dont le film raconte lâĂ©ventualitĂ© de lâaudace et de lâintrĂ©piditĂ© de Gentry qui soutient le personnage. Au-delĂ de sa rĂ©flexion en tant quâĂ©lĂ©ment indĂ©pendant dâun mĂ©canisme plus large, cruel et efficace, la prĂ©misse qui lâentoure nâa pas grand-chose Ă dire. Les frĂšres Russo, qui ont dĂ©montrĂ© une capacitĂ© plus que convaincante Ă raconter des histoires Ă grande Ă©chelle, avoir de la difficultĂ© avec les spĂ©cificitĂ©s. Surtout quand ils ont besoin de creuser plus profondĂ©ment et dâanalyser le motif qui pousse leur personnage vers de nouvelles rĂ©gions.
A lâautre extrĂȘme se trouve Lloyd Hansen (Chris Evans), un tueur psychopathe qui semble rĂ©sumer tous les clichĂ©s du genre. Souriant, sinistre et impitoyable, Hansen dâEvans est une combinaison ludique et peu convaincante de quelque chose de plus sinistre. En fait, les frĂšres Russo (qui Ă©crivent Ă©galement le scĂ©nario) semblent incapables dâanalyser et de se faire une idĂ©e de cette figure imparable et cruelle. Son but est-il simplement de tuer ? Ou y a-t-il quelque chose de plus cachĂ© et de plus suggestif dans leur sauvage fĂ©rocitĂ© ? Il nây a pas grand-chose Ă dire sur un personnage qui, semble-t-il, est une version gĂ©nĂ©rique du tueur Ă gages habituel avec rien Ă perdre et tout Ă gagner. Mais pour un film qui essaie de montrer que le meurtre est un point de valeur â ou du moins, a un sens â lâidĂ©e est compliquĂ©e et difficile.
Lâhomme gris
AprĂšs une premiĂšre partie prometteuse, lâagent invisible il nâa bientĂŽt plus grand-chose Ă dire. Du moins au-delĂ de ce jeu du chat et de la souris qui se tient sur peu et essaie dâen montrer beaucoup. Câest dĂ©concertant que le film soit si vide, avec tant dâĂ©lĂ©ments en sa faveur. Les frĂšres Russo transforment le spectacle visuel en une ligne de conditions et de versions dâaction compĂ©tente et solide. Les acteurs sont confrontĂ©s au dilemme de donner une identitĂ© Ă des personnages improbables, qui flottent au milieu dâune mer de clichĂ©s de plus en plus exagĂ©rĂ©s.
Lâun des points les plus bas de Lâagent invisible est de construire la confrontation entre deux hommes dangereux, dans un dilemme de dĂ©cisions erronĂ©es. Aucun des personnages centraux nâa de rĂ©elle soliditĂ©. Et alors que Gentry tourmentĂ© de Gosling tente dâarrĂȘter le tueur Ă gages qui a pour mission de lâassassiner, le sentiment est celui de la confusion. Celui des motifs, puisquâon ne sait pas tout Ă fait comment Gentry sâest retrouvĂ© dans une situation similaire ou, en tout cas, comment câĂ©tait sa seule option. Celui de la capacitĂ© du meurtrier et de la proie Ă utiliser la violence Ă des fins plus raffinĂ©es que dâexploser des objets ou de jouer dans des fusillades chorĂ©graphiquement parfaites. Petit Ă petit, le film est dĂ©chirĂ© entre deux rĂ©gions complĂštement diffĂ©rentes quâil ne parvient pas Ă concilier. La violence comme dernier recours et, en mĂȘme temps, voie idĂ©ale et incontournable pour les deux personnages.
Pour sa part, Hansen dâEvans est une combinaison dĂ©sordonnĂ©e de lieux communs de personnages similaires. Lâintention de lâacteur de crĂ©er quelque chose dâentiĂšrement nouveau pour ses rĂŽles plus familiers est Ă©vidente. Mais il nâĂ©choue pas dans sa dĂ©marche, mais dans la soliditĂ© de ses motivations. Cruel, ironique et de plus en plus tordu, ce tueur Ă gages Ă mission unique semble indiquer clairement quâil le fera de toutes les maniĂšres possibles. Aussi, que ses ressources sont vastes, alambiquĂ©es et de plus en plus compliquĂ©es. Mais aucune de ces informations sur les compĂ©tences du tueur nâapparaĂźt du tout. Lâargument nâa pas tout pour soutenir la condition du mal comme une dĂ©cision inĂ©vitable. Mais, beaucoup plus compliquĂ© encore, la maniĂšre dont ce tueur choisit dâĂȘtre cruel de maniĂšre raffinĂ©e voire moqueuse. Lâappareil ne fonctionne que lorsque Evans se permet dâĂȘtre plus quâun simple stĂ©rĂ©otype, et cela nâarrive pas souvent.
Lâagent invisible, beaucoup de bruit pour rien
Avec Investissement de 200 millions de dollars, Lâagent invisible Câest lâun des films les plus chers de Netflix. Aussi, celle destinĂ©e Ă ouvrir la porte peut-ĂȘtre Ă une suite ou Ă ĂȘtre Ă lâorigine dâun univers plus vaste. Lâhistoire, basĂ©e sur le livre du mĂȘme nom de Mark Greaney, a tout pour ĂȘtre quelque chose de plus quâun film gĂ©nĂ©rique de fusillades et de poursuites. Et Ă plusieurs reprises, il parvient presque Ă dĂ©passer cette ligne de spectacle grinçante en faveur de quelque chose de plus profond. Mais il y a peu de moments oĂč les Russo absorbent lâidĂ©e dâune trame de fond compliquĂ©e au-delĂ de lâaffrontement classique entre deux assassins aux objectifs disparates.
Une idĂ©e inquiĂ©tante si lâon tient compte du fait que tout le scĂ©nario repose sur le postulat de crĂ©er les conditions dâun regard plus large sur le substrat. Que ce soit Ă travers le personnage ambigu incarnĂ© par Ryan Gosling ou le sinistre mĂ©chant de Chris Evans, il y a lâannonce de un univers plus vaste. Dâune mythologie sur un monde souterrain dangereux et redoutable, qui correctement exploitĂ©, pourrait ĂȘtre dâun grand intĂ©rĂȘt.
Mais les Russo, vĂ©tĂ©rans des films Ă gros budget destinĂ©s Ă choquer plutĂŽt quâĂ Ă©mouvoir, commettent une erreur fondamentale. Le film est construit pour raconter une histoire contre la montre dâun affrontement violent entre deux forces opposĂ©es. Mais pas pour donner de la personnalitĂ© Ă leurs personnages. Beaucoup moins, au sous-texte qui est annoncĂ© mais jamais entiĂšrement montrĂ©. Peut-ĂȘtre la plus grande erreur de Lâagent invisible comme prĂ©misse.
Ceci est une version mise Ă jour dâun article prĂ©cĂ©demment publiĂ© dans Hipertextual.
SOURCE : Reviews News
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