La nouvelle vie de l’escroc Anna Sorokin aprĂšs la prison : ‘influenceuse’ et militante pour le systĂšme carcĂ©ral

La nouvelle vie de l'escroc Anna Sorokin aprÚs la prison : 'influenceuse' et militante pour le systÚme carcéral

🍿 2022-10-23 06:14:13 – Paris/France.

Peut-ĂȘtre que la seule chose vraie dans la vie d’Anna Sorokin est prĂ©cisĂ©ment la fiction de Netflix sur le gros mensonge qui lui a permis pendant des annĂ©es d’ĂȘtre une riche hĂ©ritiĂšre europĂ©enne parmi les Ă©lites de New York. Le reste de son existence peut ĂȘtre vrai ou non, y compris les versions amicales de l’histoire que la femme de 31 ans raconte aujourd’hui dans des interviews aprĂšs avoir retrouvĂ© sa libertĂ© avec un bracelet de cheville Ă©lectronique. AprĂšs quatre ans de prison pour escroquerie, et 17 mois de plus dans un centre de dĂ©tention pour migrants, Anna Sorokin prouve que la picaresque n’est pas morte, elle n’est que transformĂ©e, comme l’étoffe de ses rĂȘves.

Sorokin, assignĂ©e Ă  rĂ©sidence, met Ă  profit sa descente aux enfers, qu’elle prĂ©sente comme un revers mineur, et non comme l’hypothĂšse d’un crime. « Quand j’ai lu les gros titres ‘Escroc, fausse hĂ©ritiĂšre’, je ne me voyais pas du tout comme telle. Je n’ai jamais dit Ă  personne combien d’argent j’avais. Je n’ai jamais fait semblant d’ĂȘtre quoi que ce soit », a-t-il dĂ©clarĂ© Ă  Le New York Post. « Quelqu’un a supposĂ© que j’avais de l’argent simplement parce que je travaillais sur ce projet [la supuesta creaciĂłn de un club privado y una fundaciĂłn de arte, su coartada]. J’ai l’impression que c’est son problĂšme. » Une version Ă  peine inventĂ©e de la phrase brutale qu’il a prononcĂ©e en 2019, le lendemain de l’audition de sa phrase : « La vĂ©ritĂ©, c’est que je ne la sens pas », a-t-il dĂ©clarĂ© New York Times.

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La premiĂšre vraie diffĂ©rence entre la vie de Delvey, le patronyme qu’il a adoptĂ© « au hasard, ne signifiant rien », et celle de Sorokin, c’est le changement radical de dĂ©cor : du luxueux suites des hĂŽtels de Manhattan oĂč le premier sĂ©journait en escroquant banques et institutions financiĂšres —avec une tentative de prĂȘt ratĂ©e de 22 millions—, au cinquiĂšme Ă©tage sans ascenseur d’un immeuble d’appartements de l’East Village oĂč le second sĂ©journe depuis le dĂ©but octobre. L’appartement a juste ce qu’il faut : une chambre, quelques meubles et l’essentiel. Payez selon Poste, un loyer de 4 250 dollars par mois, le prix moyen des loyers Ă  New York aprĂšs la hausse stratosphĂ©rique provoquĂ©e par l’inflation. Sur le toit de l’immeuble, Sorokin joue Ă©galement dans des sĂ©ances photo avec des vĂȘtements de crĂ©ateurs : la mode a toujours Ă©tĂ© sa passion, mĂȘme si le style n’est pas rĂ©ciproque.

Son intention est d’éviter d’ĂȘtre extradĂ©e vers l’Allemagne et de rester aux États-Unis, oĂč la vie n’est pas exactement bon marchĂ©. Ni ses habitudes : pour comparaĂźtre devant le juge comme l’exige la condition de libertĂ© dont il jouit, Sorokin, habillĂ© en influenceur pro, mais avec un style un peu grossier, il a pris un Uber qui lui a coĂ»tĂ©, aller-retour, 160 dollars (163 euros). Les tarifs Uber sont un autre des services qui ont le plus augmentĂ© en raison de l’inflation et de nombreux New-Yorkais se sont rĂ©signĂ©s Ă  utiliser les transports en commun, mais lorsque des journalistes lui ont demandĂ© pourquoi il n’était pas allĂ© en mĂ©tro, puisque le rendez-vous Ă©tait dans la mĂȘme ville, a rĂ©pondu dĂ©daigneusement : « Hmmm
 Non ».

Anna Sorokin lors d’un procĂšs devant la Cour suprĂȘme de New York, le 25 avril 2019. Richard Drew (AP)

Sorokin a reçu 320 000 $ (327 000 euros) de Netflix pour les droits de son histoire pour la sĂ©rie Inventer Anna, avec l’actrice Julia Garner. Mais le montant a servi Ă  payer les avocats et les frais. « Mon argent s’est Ă©puisĂ© avant que je ne sorte de prison », a-t-il expliquĂ© au Publier. « New York est une ville tellement chĂšre que c’en est fou
 Ça m’a coĂ»tĂ© 160 dollars pour que l’Uber vienne et reparte ! », a-t-elle rĂ©pĂ©tĂ©, indignĂ©e. Le service n’était pas exactement le plus basique et Ă©conomique de la plateforme, Ă  en juger par les images qui le montrent en train de descendre d’un imposant SUV. « Ils me permettent d’utiliser n’importe quel moyen de transport. Aurais-je dĂ» opter pour le mĂ©tro ? Mmmm
 non », a-t-il dĂ©crochĂ©.

Sorokin, nĂ©e en Russie, Ă©levĂ©e en Allemagne et munie d’un passeport europĂ©en, est persuadĂ©e que sa vie est Ă  New York, cette lumiĂšre qui attire les papillons de nuit, le mirage du succĂšs qui n’est la plupart du temps qu’un trompe l’Ɠil. Sans argent, survivre dans la ville des gratte-ciel est une tĂąche ardue pour quiconque. Pas pour Sorokin, qui a trouvĂ© une source de revenus dans les dessins qu’il a rĂ©alisĂ©s pendant son sĂ©jour en prison. Pour 10 000 $ piĂšce — ce que lui a coĂ»tĂ© la caution de location d’East Village —, il y a dĂ©jĂ  une liste d’attente pour acheter l’un des croquis au crayon sur sa vie derriĂšre les barreaux, ou la scĂšne de sa rencontre avec Garner, lorsqu’elle prĂ©parait le personnage de les sĂ©ries. Sorokin est Ă©galement offert, dit-il, comme entraĂźneur santĂ© mentale, pour aider les autres Ă  faire face Ă  la « rĂ©solution des conflits » dans une expĂ©rience aussi stressante que la prison. Un autre de ses plans est de lancer un podcast. « Toutes mes idĂ©es ne sont pas illĂ©gales ! », a-t-il plaisantĂ© dubitatif. Sorokin veut aussi s’impliquer dans la rĂ©forme du systĂšme carcĂ©ral.

Julia Garner joue Anna Sorokin dans la série Netflix « Inventing Anna ». ©Netflix/Courtesy Everett Collection / Cordon Press

AprĂšs l’expiration de son visa, Sorokin a prĂ©fĂ©rĂ© passer 17 mois dans un centre de dĂ©tention pour migrants pour Ă©viter l’expulsion et rester aux États-Unis. Il souhaite obtenir un visa lui permettant de travailler dans le pays et attend la rĂ©solution de son cas, un processus qui peut prendre des mois. Sorokin craint que, si elle est expulsĂ©e vers l’Allemagne, elle ne se retrouve dans son pays natal, qui lui rappelle trop son enfance dans un foyer modeste, un pĂšre camionneur et une mĂšre commerçante qui plus tard a Ă©migrĂ© en Allemagne. « Restez ici et battez-vous pour rĂ©soudre ce problĂšme [los papeles]Ça en dit long sur mon caractĂšre », a-t-elle dĂ©clarĂ© sur sa dĂ©termination de pauvre fille russe.

AprĂšs un bref passage Ă  la prestigieuse Ă©cole de design londonienne St Martin’s, l’espiĂšgle Sorokin travaille dans un cabinet de relations publiques allemand. Puis il se rend Ă  Paris et en 2013 il dĂ©barque Ă  New York, dĂ©jĂ  sous un faux nom et projette d’ouvrir un club privĂ© et une fondation d’art. Il a falsifiĂ© des comptes et escroquĂ© des banques, ainsi que plusieurs hĂŽtels de luxe de Manhattan, ce qui lui a permis de rester Ă  crĂ©dit et d’oĂč il est parti sans payer. Elle a Ă©tĂ© dĂ©tenue en 2017 dans un luxueux centre de rĂ©habilitation de Malibu, et a toujours gardĂ© le silence sur son sĂ©jour dans cet Ă©tablissement. Puis vinrent le procĂšs, la condamnation et le sĂ©jour dans une prison du nord de l’État de New York, oĂč il fut libĂ©rĂ© pour bonne conduite, ainsi que son sĂ©jour Ă  Rikers Island, un trou noir du systĂšme pĂ©nitentiaire amĂ©ricain oĂč, dit-il, il continua. cours de survie.

Le reste est l’histoire qui a contribuĂ© Ă  dĂ©finir la sĂ©rie Netflix. Dans le meilleur des cas, les aventures de Sorokin se perdront dans l’écume des jours new-yorkais ; au pire, ils constitueront une tentative mĂ©diatique de glorifier un vulgaire crime de fraude. La version avec laquelle le spectateur restera dĂ©pendra de son scepticisme ou de sa crĂ©dulitĂ© : entre les mains d’un manipulateur de manuels comme Sorokin, aucune histoire ne s’en tire.

SOURCE : Reviews News

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