‘Blonde’ : un chef

'Blonde' : un chef-d'Ɠuvre ou une catastrophe insipide ?  - Cadres

🍿 2022-10-02 08:00:07 – Paris/France.


    Avec elle vint le scandale : aprĂšs ĂȘtre passĂ© par les fĂȘtes de Venise et de Saint-SĂ©bastien, « Blonde » a atterri parmi les films Netflix, devenant l’un des titres les plus controversĂ©s de l’annĂ©e avec un portrait cru, violent et terrifiant de la vie de Marilyn Monroe. C’est une maison de rĂȘve d’horreurs et freudien dans lequel Ana de Armas Ă©blouit (et est nominĂ©e parmi les candidates de la meilleure actrice principale aux Oscars 2023) tout en subissant les mille et une tortures que lui fait subir le rĂ©alisateur Andrew Dominik, qui adapte le roman acclamĂ© de Joyce Carol Oates. Ce qui reste aprĂšs prĂšs de trois heures d’images est un choc d’idĂ©es : est-ce l’un des films les plus inspirĂ©s de l’annĂ©e ou sommes-nous confrontĂ©s Ă  une infantilisation et Ă  une victimisation d’une des grandes lĂ©gendes du cinĂ©ma qui sert une fois de plus Ă  projeter les obsessions de qui la regarde et veut?

    En nous posant la question qui occupe le titre de cet article (‘Blonde’ est-il un chef-d’Ɠuvre ou une catastrophe de mauvais goĂ»t ?) nous essayons de mettre en Ă©vidence la deux courants d’opinion qui se sont crĂ©Ă©s autour du film Netflix, et qui font vraiment partie de son ADN: ce que nous offre le film, c’est une proposition formelle aussi risquĂ©e que courageuse (changements de format, sauts du noir et blanc Ă  la couleur, transitions visuellement ingĂ©nieuses, narration fragmentĂ©e) qui peut passionner les amateurs de technique, et une histoire de perspective si cruelle et erronĂ©e qu’elle sera inacceptable pour ceux qui considĂšrent Marilyn Monroe comme un ĂȘtre humain au-delĂ  de son statut de mythe. Tout est permis au nom de la fiction ?

    De toute façon, Cette production ambitieuse, qui a pris une dĂ©cennie Ă  faire et Ă  laquelle mĂȘme Netflix a mis plus d’un coup avant sa premiĂšre, est nĂ©e pour ĂȘtre provocante. Ce pour quoi il n’est pas nĂ©, au vu du rĂ©sultat final, c’est pour nous aider Ă  mieux connaĂźtre Norma Jeane Baker. Au final, tout le monde a toujours voulu un morceau de Marilyn Monroe. Dominique aussi. Dans ‘Blonde’, il a pris ce qui servait son but, comme tant d’autres l’ont fait avant lui.

    Une histoire de terreur et de torture

    Netflix

    Le film commence par l’une des images les plus cĂ©lĂšbres de Marilyn Monroe : la scĂšne de « Temptation Lives Upstairs » (Billy Wilder, 1955) dans laquelle la robe blanche de l’actrice se soulĂšve lorsqu’elle passe dans un Ă©gout. ‘Blonde’ commence par le mythe, se dĂ©plaçant au ralenti et avec une image en noir et blanc, nous invitant presque Ă  regarder plus loin (ou, comme Dominik le dit tout au long du film, Ă  regarder sa jupe) et plongez dans son histoire. Voici comment nous procĂ©dons : l’histoire commence par l’enfance traumatisante de Norma Jeane avec une mĂšre mentalement instable et un pĂšre absent et anonyme qui aurait pu ĂȘtre une star de cinĂ©ma, et suit la petite fille jusqu’à l’orphelinat oĂč elle a grandi et nourri ses dĂ©mons .

    Il ne faut pas longtemps avant de voir Norma en jeune femme, dĂ©jĂ  jouĂ©e par Ana de Armas, qui veut se faire un nom Ă  Hollywood, l’endroit oĂč les rĂȘves deviennent rĂ©alitĂ©. Cependant, la sienne est plutĂŽt un cauchemar : lors de sa premiĂšre « audition », elle est violĂ©e (par un certain M. Z, que l’on croit ĂȘtre Darryl F. Zanuck, qui dirigeait la 20th Century Fox Ă  son apogĂ©e) et personne ne semble voir au-delĂ  de ses cheveux blonds platine et de ses courbes. BientĂŽt, bien que le film ne passe pas beaucoup de temps Ă  nous l’expliquer, la protagoniste embrasse cette rĂ©action qu’elle provoque chez les hommes de l’industrie et arrive Ă  son dilemme : elle divise sa personne et crĂ©e Marilyn Monroe, la bombe sexuelle confiant que nous finirions par la connaĂźtre sur grand Ă©cran.

    2022 © NetflixNetflix

    R) Oui, « Blonde » commence l’une de ses lignes thĂ©matiques les plus rĂ©currentes et les plus rĂ©ussies : la division entre la personne privĂ©e et la personne publique, entre l’ĂȘtre humain et le personnage mĂ©diatique., qui donne lieu Ă  une lutte interne constante pour dĂ©finir les limites de deux femmes qui vivent dans le mĂȘme corps. « Ce n’est pas moi Ă  l’écran », dĂ©clare Norma en regardant Marilyn interprĂ©ter l’un des numĂ©ros musicaux les plus emblĂ©matiques de sa carriĂšre, « Les diamants sont les meilleurs amis d’une fille », dans le film « Les hommes prĂ©fĂšrent les blondes » (Howard Hawks, 1953) . A ce moment, l’actrice se rend compte qu’elle a peut-ĂȘtre crĂ©Ă© un monstre dont elle ne pourra pas s’échapper.

    Dans une autre scĂšne, peut-ĂȘtre l’une des plus mĂ©morables du film, le protagoniste se partage entre la femme qui souffre en silence dans la vraie vie et la diva que l’on voit de l’autre cĂŽtĂ© du miroir, souriant malicieusement et soufflant un baiser en l’air. . C’est un moment terrifiant qui aurait pu provenir d’une des images dĂ©rangeantes de l’univers de « Twin Peaks ». Et la Marilyn d’Andrew Dominik n’est-elle pas une sorte de Laura Palmer ? Figure angĂ©lique devenue cadavre corrompu par le patriarcat, l’actrice semble s’ĂȘtre perdue dans ce film Ă  travers les couloirs cauchemardesques au-delĂ  des rideaux rouges, piĂ©gĂ©e dans une maison des horreurs habitĂ©e par des dĂ©mons qui, comme le chat du Cheshire, refusent de lui montrer le chemin. retour Ă  la maison. Nous savons que le rĂ©alisateur est un grand admirateur de David Lynch, en particulier de ‘Mulholland Drive’ (avec lequel de nombreuses similitudes peuvent Ă©galement ĂȘtre Ă©tablies dans ‘Blonde’), et dans sa proposition, nous voyons son intention de reproduire la capacitĂ© lychiana gratter le subconscient et accĂ©der Ă  l’indicible. Malheureusement, ce monde est trĂšs loin de Dominik, qui a aussi fait l’erreur ? de choisir une vraie femme comme sujet de torture, indissociable des grandes vertus et du talent scĂ©nique que le film Netflix dĂ©cide d’oublier.

    une question de point de vue

    Plan B

    Le roman de Joyce Carol Oates a toujours Ă©tĂ© vendu comme une fiction : il s’agit d’une biographie partiellement inventĂ©e de Marilyn Monroe oĂč se mĂȘlent donnĂ©es rĂ©elles et donnĂ©es fictives crĂ©Ă©es par l’écrivaine, qui avait l’ambition, Ă  travers l’imaginaire, d’atteindre une vĂ©ritĂ© plus profonde sur la figure. de l’actrice. ‘Blonde’ prend le relais de cette proposition et dĂ©cide d’adapter le roman avec la mĂȘme libertĂ© crĂ©ative. Cependant, comme le souligne la critique Fernanda SolĂĄrzano dans Cine Apart, ce qui peut fonctionner sur papier (ouvert Ă  l’imagination des lecteurs) n’a pas nĂ©cessairement le mĂȘme effet Ă  l’écran. « Les images sont trĂšs puissantes », souligne-t-il, et c’est que le cinĂ©ma a le pouvoir de fixer une chaise. Comment allons-nous maintenant effacer les images que nous a donnĂ©es Andrew Dominik, qu’elles soient vraies ou non ?

    La fiction n’a Ă©videmment pas Ă  se conformer Ă  la rĂ©alitĂ©, mais on peut juger de la lĂ©gitimitĂ© de son point de vue. On sait que « Blonde » est un cauchemar subjectif et onirique sur la vie de Marilyn Monroe, mais d’oĂč regardez-vous le film ? Quelle est la perspective ? Qui est le rĂȘveur ? Ce n’est pas Marilyn, et ce n’est pas Norma. Peut-ĂȘtre voyons-nous des aperçus de cette possibilitĂ© dans les prises de vue au flash de l’appareil photo ou lorsque la bouche des hommes qui hurlent autour de lui se dĂ©forme comme un filtre Instagram. Parfois on se sent proche d’elle, on vit sa souffrance, mais la plupart du temps ce n’est pas comme ça.

    2022 © NetflixNetflix

    Dans le reste du film, les images ne semblent pas Ă©maner de la psychĂ© du protagoniste, mais de celle de son rĂ©alisateur : des sĂ©ances photo pour des magazines et des publicitĂ©s destinĂ©es Ă  Ă©tonner dans leur comparaison ultĂ©rieure, un plan des fesses de l’actrice entrant dans un restaurant, la nuditĂ© gratuite alors qu’elle lisait un livre de toute façon, le fait d’évaluer sa rĂ©ussite en cours d’art dramatique Ă  travers les yeux d’Arthur Miller alors que sa performance est muette, l’insistance constante sur l’absence du pĂšre qui rĂ©duit tout Ă  sa relation avec les hommes sans une seule relation significative avec une femme dans tout le film, le dĂ©jĂ  tristement cĂ©lĂšbre gros plan de la fellation au prĂ©sident Kennedy qui est un hĂ©ritage esthĂ©tique porno soft
 MĂȘme dans ses grossesses tronquĂ©es, nous n’obtenons pas sa perspective, mais plutĂŽt celle de son intĂ©rieur, ou celle de son fƓtus Ă  naĂźtre, acquĂ©rant soudainement la capacitĂ© de parler. Quand Dominik nous montre un plan de l’intĂ©rieur de l’utĂ©rus, regardant les mĂ©decins sur le point de pratiquer un avortement, d’oĂč regarde-t-il le film ?

    Il faut admirer l’audace du rĂ©alisateur Ă  crĂ©er des moments comme le passage d’un moment post-coĂŻtal Ă  la cascade de ‘Niagara’ (Henry Hathaway, 1953) ou la recrĂ©ation fidĂšle de la scĂšne musicale de ‘Some Like It Hot’ (Billy Wilder , 1959) qui se brise soudainement (Marilyn arrĂȘte de chanter pendant que la musique continue, comme dans le Silence Club de ‘Mulholland Drive) pour laisser place Ă  un effondrement Ă©motionnel du protagoniste, qui en a marre d’ĂȘtre la blague du jour. Et c’est Ă  cause de ces moments de gĂ©nie que ‘Blonde’ est un film impossible Ă  classer : il passe de l’embarras Ă  l’étonnement en quelques secondes, jouant librement avec la forme en oubliant l’importance de la perspective ou l’intĂ©gritĂ© de son protagoniste.. Au final, il fait ce que Marilyn reproche au cinĂ©ma : « Dans les films, on vous coupe en morceaux. Une coupe aprĂšs l’autre. C’est comme un puzzle, mais on n’assemble pas les piĂšces. »

    La Marilyn qui a été laissée de cÎté

    Blond

    En assemblant ces piĂšces dont parlait le personnage jouĂ© par Ana de Armas, Dominik ne pensait pas Ă  Norma Jeane, mais Ă  lui-mĂȘme. Dans une interview rĂ©vĂ©latrice dans le numĂ©ro d’octobre du magazine Sight & Sound, le rĂ©alisateur dĂ©clare : « Adapter le livre, c’est vraiment adapter les sentiments que le livre m’a procurĂ©s. » La journaliste Christina Newland lui avait demandĂ© s’il voyait son protagoniste comme un vĂ©hicule symbolique pour parler de traumatisme et d’abus, ce que Dominik considĂšre comme quelque chose de plus universel que spĂ©cifique au sein de la figure de Marilyn Monroe. « Je suppose que d’une certaine maniĂšre, je ne vois pas le film comme essentiellement fĂ©minin. Je le vois comme l’histoire d’un garçon sans amour. Je m’identifie Ă  ça », il assure. Newland lui demande pourquoi elle a dĂ©cidĂ© de laisser de cĂŽtĂ© des dĂ©tails sur la vie de l’actrice, comme le fait qu’elle a fondĂ© sa propre sociĂ©tĂ© de production (Marilyn Monroe Productions, Inc.), qu’elle s’est opposĂ©e Ă  la chasse aux sorciĂšres anti-communiste ou qu’elle a luttĂ© contre la sĂ©grĂ©gation au nom de la chanteuse Ella Fitzgerald. « Ce n’est pas vraiment de ça que parle le film : c’est d’une personne qui va se suicider », rĂ©pond le rĂ©alisateur, qui souligne que « le plus important » dans l’histoire, c’est pourquoi une femme qui « avait tout ce que la sociĂ©tĂ© trouve dĂ©sirable », de la beautĂ© Ă  la gloire, elle a dĂ©cidĂ© de se suicider.

    Avec ‘Blonde’, Dominik voulait parler de choses importantes, mais il ne voulait pas parler de Marilyn Monroe. Je voulais parler de traumatisme, d’absence de pĂšre, de dĂ©mons internes, d’abus, de sexe et de malheur, mais peut-ĂȘtre que parler de tout cela sans la perspective de genre et les particularitĂ©s que prĂ©sente la figure de l’actrice est une erreur. Comme l’ont soulignĂ© de nombreux critiques (certains dĂ©vastateurs, comme ceux de Manohla Dargis dans The New York Times et de Stephanie Zacharek dans Time), et comprenant mĂȘme qu’un film (pas mĂȘme un biopic) doit contenir toutes les dimensions d’un personnage 


    SOURCE : Reviews News

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