Alonso Ruizpalacios: « Netflix, c’est comme essayer de trouver quelque chose de nutritif au milieu des ordures »

Alonso Ruizpalacios: "Netflix, c'est comme essayer de trouver quelque chose de nutritif au milieu des ordures" - EL PAÍS

🍿 2022-10-18 12:17:00 – Paris/France.

Un garçon s’approche pour vendre tandis que le rĂ©alisateur Alonso Ruizpalacios est confrontĂ© aux questions de cette interview Ă  la terrasse d’une cafĂ©tĂ©ria. « Pas maintenant, merci », lui dit-il. « Pourquoi personne ne me laisse jamais parler ? » se plaint le garçon, « Je veux juste obtenir de l’argent pour faire un autel [de DĂ­a de Muertos] Ă  mon pĂšre ». Il s’avĂšre que le gamin vend des films, mais pour l’instant, non, merci. Ruizpalacios choisit de lui donner des piĂšces de monnaie et demande ce qu’il mettra sur l’autel. « Votre photo, des fleurs de cempasuchil, une bougie, des fruits, des bonbons  ». Et ce qu’il aimait, qu’est-ce que c’était ? « Mojarras », lĂąche-t-il, sans hĂ©siter. Cela ressemble Ă  une scĂšne de film. Plus tard, Ruizpalacios (Mexico, 44 ​​ans) dira que le Mexique est un dĂ©cor parfait pour tourner. Et tellement. La derniĂšre Ɠuvre du rĂ©alisateur, un film policiervient de remporter trois prix Ariel lors de la compĂ©tition mexicaine, qui s’est tenue mardi dernier, pour la meilleure rĂ©alisation, le scĂ©nario original et le long mĂ©trage documentaire, oĂč Tatiana Huezo et ses Nuit de feu Ils ont Ă©tĂ© les plus rĂ©compensĂ©s.

Interroger. Tout ce qu’il touche est rĂ©compensĂ©, GuĂ©ros, MusĂ©e
 Quel succĂšs.

RĂ©ponse. Ha ha, je ne sais pas, c’est beaucoup de travail, beaucoup de rejet en cours de route, maintenant je viens de tourner un film, La cuisine et ça m’a pris beaucoup de temps pour le faire parce que personne ne voulait le financer, ça ne m’a jamais coĂ»tĂ© autant de travail pour faire un film.

P Mais vous avez déjà une bonne garantie à présenter, comment est-ce possible ?

R Il y a beaucoup de gens qui font des films et c’est trùs bien, on ne peut pas se reposer sur ses lauriers, il y a des jeunes qui arrivent avec des langues incroyables.

P OĂč voulez-vous mener votre carriĂšre ?

R Je n’ai qu’une petite liste de films, d’idĂ©es en tĂȘte que j’aimerais faire, certaines en particulier que j’aimerais ne pas mourir avant de les faire, mais Ă  part ça ce ne sont que des objectifs trĂšs personnels, Ă  chaque fois que je vois un film de certains rĂ©alisateurs je me rends compte de tout ce qu’il y a Ă  apprendre. Hier j’ai vu celui de Kiarostami, quelle simplicitĂ© et maturitĂ©, je me sens tellement loin de pouvoir rĂ©aliser quelque chose comme ça, ou le turc Nuri Bilge Ceylan. Ils sont arrivĂ©s Ă  une synthĂšse du langage et Ă  une philosophie de vie trĂšs palpable.

P Est-ce cela que vous recherchez, une simplicité poétique ?

R Je mentirais, car mes films sont trĂšs baroques, mais j’aimerais Ă©voluer vers cela quand je serai mĂ»r. Je pense que c’est Miles Davis qui disait qu’il faut 20 ans pour trouver sa voix.

Sur la photo, l’acteur RaĂșl Briones, star de « A Police Movie ». VidĂ©o : Netflix

P Il dit que le Mexique est un cadre formidable pour tourner, peu exploité.

R Oui, j’adore tourner au Mexique et j’espĂšre toujours pouvoir le faire, je pense que c’est un endroit qui ne s’est pas autant racontĂ© que d’autres pays, comme la France ou les États-Unis, mĂȘme s’il a une grande histoire de cinĂ©ma, mais il a connu un grand dĂ©clin dans les annĂ©es 70 et 80, puis il a commencĂ© Ă  monter et les Mexicains ne font que redĂ©couvrir leur voix et cette tradition de se voir reflĂ©tĂ©s dans leur propre cinĂ©ma. C’est pourquoi les documentaires sont si forts. En revanche, c’est le fait mĂȘme de les filmer ici, La cuisinesauf pour les extĂ©rieurs Ă  New York, nous l’avons filmĂ© aux studios Churubusco, et j’ai plaisantĂ© avec mes collĂšgues, dans cette poussiĂšre, disions-nous, se trouve la peau de Buñuel ou Indio FernĂĄndez, de l’ñge d’or.

P Le cinĂ©ma mexicain actuel semble avoir deux aspects, celui qui traverse les peuples originels et la violence qui existe dans le pays et un autre d’expĂ©riences personnelles qui peuvent ĂȘtre universelles.

R Je le vois comme faisant partie d’un processus de comprĂ©hension mutuelle, les Mexicains ne savent mĂȘme pas ce qu’est l’identitĂ© mexicaine et j’ai l’impression qu’ils reprĂ©sentent ce qu’ils pensent qu’on attend de l’identitĂ© mexicaine Ă  l’étranger et ces clichĂ©s sont racontĂ©s, ce que j’essaie de faire est d’essayer de voir au-delĂ  des clichĂ©s, je n’y arrive pas toujours. Maintenant, il y a beaucoup de films sur les disparitions forcĂ©es, etc., et il y a une trĂšs bonne raison Ă  cela, c’est une rĂ©alitĂ©. En fait, ce n’est pas un clichĂ©, mais l’art rĂ©pond Ă  la rĂ©alitĂ© dans laquelle nous vivons et c’est important de dire ça, mais aussi de voir au-delĂ  et de dire autre chose. Mais je suis plus intĂ©ressĂ© par les choses qui vont dans la troisiĂšme voie, un cheminement trĂšs personnel.

P Comment est le spectateur au Mexique ?

R Les feuilletons nous ont Ă©duquĂ©s. Televisa est le grand coupable de l’éducation sentimentale et intellectuelle de la population et de l’énorme retard qu’il y a. Nous aurions pu avoir la BBC, culturelle, Ă©ducative, et Ă  la place nous avions cette tĂ©lĂ©vision condescendante, raciste, sexiste qu’était Televisa puis TV Azteca, que nous avons consommĂ©e pendant des dĂ©cennies sans autre option et qui nous a marquĂ©s en tant que tĂ©lĂ©spectateurs, l’inclinaison vers le mĂ©lodrame , le choquant, peu de patience pour l’art, la subtilitĂ©, les discours complexes et les zones d’ombre. Maintenant, les millenials sont sur internet et ils ne se soucient pas de la tĂ©lĂ©vision, c’est trĂšs puissant, les enfants parlent un langage plus Ă©laborĂ©.

P Partout dans le monde, on parle du cinéma mexicain, du célÚbre trio Cuarón, Del Toro et Iñårritu, entre autres.

R Les appels Trois amical
 À l’exception de Del Toro, qui est trĂšs gĂ©nĂ©reux et actif pour soutenir les Mexicains qui veulent partir Ă©tudier l’animation Ă  l’étranger avec des bourses, qui fait toujours office de mentor, il n’y a pas beaucoup d’intĂ©rĂȘt de la part des autres
 Ils ne font pas de films Mexicains, ils ont fait ces gros films, Rome Oui Bardequi ont Ă©tĂ© tournĂ©s au Mexique, mais je ne pense pas que ce soit du cinĂ©ma mexicain.

P Y a-t-il quelque chose de spécifique qui est le cinéma mexicain ?

R Non, en fait, non, je dis ça comme une provocation.

P A quoi servent les lots, vous qui en avez plusieurs ?

R C’est une question pertinente qu’il ne faut pas cesser de se poser, la rĂ©ponse change tout au long de la vie artistique. Au dĂ©part, c’est une incitation Ă  reprendre le tournage, mais ensuite, vous voyez une Ă©norme composante politique pour eux et une liste de grands films auxquels ils ont tournĂ© le dos. Ils ne sont pas nĂ©cessairement un gage de qualitĂ©. C’est bien de recevoir un prix, mais j’ai Ă©tĂ© jury et tu te rends compte que c’est un exercice dans lequel parfois le moins polĂ©mique l’emporte, c’est la vĂ©ritĂ©.

P Cette transition entre l’ancien cinĂ©ma et les grandes plateformes est-elle un bon moment ?

R C’est trĂšs complexe. J’ai l’impression qu’il manque du temps pour savoir si c’était un bon moment ou pas. Les plates-formes sont une arme Ă  double tranchant. Il est passionnant que la supposĂ©e dĂ©mocratisation de voir dans diffusion quelque chose qu’on ne pouvait pas atteindre avant, mais on sait que les plateformes fonctionnent avec des algorithmes
 Mes films sont sur Netflix, mais il faut les chercher comme une aiguille dans une botte de foin. Il y a ce dessin animĂ© de Netflix, un gars qui essaie de trouver quelque chose de nutritif au milieu des ordures, c’est Netflix. Il y a une bulle de contenu qui ressemble Ă  la ruĂ©e vers l’or, tout le monde se prĂ©cipite pour faire du contenu, des entreprises qui n’ont rien Ă  voir lĂ -dedans, le simple fait qu’ils appellent ça du contenu
 C’est la mort du cinĂ©ma, mais wow, Godard dĂ©jĂ  prĂ©dit il y a longtemps, nous sommes sĂ»rement dĂ©jĂ  dans un post-cinĂ©ma que nous ne pouvons mĂȘme pas comprendre.

Les réalisateurs David Gaytån et Alonso Ruizpalacios posent avec leur Ariel du meilleur scénario adapté pour « A Police Movie », lors de la cérémonie des Ariel Awards le 11 octobre. Isaac Esquivel (EFE)

P Netflix a Ă©galement fourni une nouvelle chaĂźne pour faire des films.

R Sans aucun doute, beaucoup de gens peuvent dĂ©sormais trouver la possibilitĂ© de faire des films, la question est de savoir quoi filmer, et si avoir les moyens suffit pour raconter quelque chose. C’est une pĂ©riode trĂšs compliquĂ©e, mais l’expĂ©rience au thĂ©Ăątre n’est pas comparable, j’ai grandi et suis tombĂ© amoureux du cinĂ©ma au thĂ©Ăątre. Maintenant, il va de soi qu’un film est quelque chose qu’on ne peut pas voir d’affilĂ©e, qu’on peut tester et quand on voit les heures de travail impliquĂ©es, les centaines de personnes, pour qu’il finisse par ĂȘtre vu de cette façon, avec des interruptions
 Vous perdez 90% du film, pendant que vous dĂźnez, vous parlez.

P Dans les chambres il y a aussi celui qui mange deux hamburgers à cÎté de vous, celui qui dévore le popcorn avec fracas. PlutÎt un restaurant.

R C’est trùs mexicain. Avant, les familles y allaient avec un poulet frit et elles le partageaient là-bas, mon Dieu
 C’est formidable.

P Croyez-vous aux subventions culturelles ?

R C’est une obligation du Gouvernement, c’est trĂšs bien Ă©tudiĂ©. Le Mexique est en dessous du budget recommandĂ© pour la culture. La culture promeut la paix, l’éducation, le bien-ĂȘtre, quelque chose de vital dans un pays aussi violent et violent que le Mexique. Sans culture il n’y a pas de pays.

P Le cinéma iranien et asiatique marche trÚs fort.

R Il y a une vague fantastique du cinĂ©ma iranien, ce sont des gens qui communiquent, qui regardent les films des autres, qui partagent un thĂšme, un style et un combat, le cinĂ©ma iranien est fascinant. Et la CorĂ©e de mĂȘme, et lĂ -bas, il y avait un grand soutien de l’État, des pourcentages stricts pour protĂ©ger le cinĂ©ma national sur les panneaux d’affichage. Tout a changĂ©, une explosion d’auteurs. Les CorĂ©ens consomment leur cinĂ©ma, comme la France, comme l’Inde.

abonnez-vous ici aile bulletin de EL PAÍS Mexique et recevez toutes les clĂ©s informatives de l’actualitĂ© de ce pays

SOURCE : Reviews News

N’hĂ©sitez pas Ă  partager notre article sur les rĂ©seaux sociaux afin de nous donner un solide coup de pouce. 🍕

Quitter la version mobile