đ 2022-09-27 05:15:00 â Paris/France.
Câest lâhistoire dâun complot si complexe, dâun montage si extraordinaire que mĂȘme ceux qui en savent le plus nâont pas toutes les rĂ©ponses entre les mains. Câest aussi une histoire qui a commencĂ© dans un journal tĂ©lĂ©visĂ© du matin mexicain en 2005, est devenu le livre un roman policier âavec lequel Jorge Volpi a remportĂ© le prix Alfaguara en 2018â et est maintenant revenu sur les Ă©crans sous la forme dâune docu-sĂ©rie en cinq parties sur Netflix. Un seul procĂ©dĂ© correspond Ă cette folie et câest le cas de Florence Cassez et Israel Vallarta, accusĂ©s dâavoir dirigĂ© une bande de ravisseurs au Mexique.
Lâaffaire Cassez-Vallarta : un roman policier articule dans ses Ă©pisodes dâenviron une heure un grand rĂ©seau de mensonges, manipulations, corruptions, abus, tortures et dĂ©rives exercĂ©s par les pouvoirs publics pour vendre comme lutte contre le crime ce qui nâĂ©tait quâun montage. LâidĂ©e initiale a Ă©tĂ© racontĂ©e jeudi dernier Ă Madrid par son producteur, Pablo Cruz (Luis Miguel), Ă©tait de travailler lâaffaire comme une fiction. Mais ce chemin fut bientĂŽt bloquĂ©. « On avait une Ă©quipe de scĂ©naristes et de gigantesques tableaux noirs au bureau oĂč il y avait un dĂ©coupage parfait de chacun des Ă©pisodes, mais câĂ©tait trĂšs difficile dâavoir un point de vue objectif au sein de la fiction. Si tu nâas pas de Jorge Volpi Ă lâintĂ©rieur, câest impossible de le dire parce que tout le monde ment, les points de vue sont tout le temps contradictoires ». AprĂšs plusieurs rencontres avec Netflix, ils se sont rendus compte quâil fallait que ce soit un documentaire : « il fallait redonner la voix Ă ceux qui avaient fait partie du problĂšme », explique Cruz. Et lĂ , ils ont vu que les scĂ©narios nâavaient aucun sens, que cette fiction montĂ©e par la police et le gouvernement mexicain dĂ©passait les limites de toute histoire ; ils ont dĂ» repartir de zĂ©ro.
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Câest bouleversant de voir comment une presse dĂ©vouĂ©e au pouvoir interroge en toute impunitĂ© Cassez et Vallarta, dĂ©jĂ aussi coupables de noms et prĂ©noms. AprĂšs avoir Ă©tĂ© arrĂȘtĂ©s, forcĂ©s et torturĂ©s Ă vif, les deux ont commencĂ© un enfer qui nâest pas encore terminĂ© pour lui, maintenant quâil a purgĂ© 17 ans de dĂ©tention prĂ©ventive sans condamnation. Il a Ă©tĂ© inutile de prouver activement et passivement que toutes les accusations contre IsraĂ«l et ses proches (plusieurs ont Ă©tĂ© dĂ©tenus et torturĂ©s Ă©galement) Ă©taient des inventions du pouvoir pour crĂ©er un gang redoutable Ă partir de rien. AprĂšs une offensive diplomatique qui a mis en pĂ©ril les relations entre le Mexique et la France, Florence a Ă©tĂ© libĂ©rĂ©e et renvoyĂ©e dans son pays en 2012. Elle avait passĂ© sept ans en prison.
Florence Cassez, lors de sa participation à « Un roman criminel : lâaffaire Cassez-Vallarta ». Courtesy (Netflix)
La narration, qui ne perd jamais son rythme, est soutenue quand il le faut par trois mĂ©chants, les trois grands gauchistes de lâintrigue. Le puissant homme dâaffaires, Eduardo Margolis, un justicier sombre et facile Ă parler, le seul Ă participer au documentaire le visage cachĂ© ; le chef de lâAgence fĂ©dĂ©rale dâenquĂȘte, lâĂ©lite policiĂšre de lâĂ©poque, Genaro GarcĂa Luna â en attente de jugement aux Ătats-Unis pour collaboration avec le cartel de Sinaloa â et son bras droit, Luis CĂĄrdenas Palomino, en prison depuis un an pour torturer ses dĂ©tenus. Ce dernier est le personnage inquiĂ©tant en manteau noir qui ouvre la porte du ranch Ă la police dans le premier Ă©pisode pour quâils arrĂȘtent Vallarta et Cassez (et ce nâest en aucun cas le plus Ă©tonnant dans lâaffaire) et est celui qui attrape le cou et attaque IsraĂ«l devant les camĂ©ras pour conditionner leur tĂ©moignage.
LâassemblĂ©e dispensait, disent les responsables, beaucoup de matĂ©riel. Et la concision est apprĂ©ciĂ©e, surtout en pĂ©riode dâexcĂšs et avec un cas comme celui-ci. Les rĂ©crĂ©ations, rares et discrĂštes, ont Ă©tĂ© utilisĂ©es pour lire une partie des rĂ©sumĂ©s et dans le cas de certaines victimes, dont lâimage est protĂ©gĂ©e par la loi. Mais, en plus, le tournage lui-mĂȘme Ă©tait diffĂ©rent. « Dans un projet de cette ampleur, qui nĂ©cessitait une responsabilitĂ© particuliĂšre, notre façon de lâaborder Ă©tait trĂšs expĂ©rimentale. Ce nâĂ©tait pas un documentaire Ă utiliser, câĂ©tait aussi une enquĂȘte qui aujourdâhui ne sâachĂšve pas, une enquĂȘte inachevĂ©e et impossible », expliquait ce mĂȘme jeudi le rĂ©dacteur en chef de la sĂ©rie, Sam Baixauli (El Chapo).
La preuve quâil sâagit dâune affaire ouverte ressuscitĂ©e par la sĂ©rie est sa rĂ©ception au Mexique. « Cela a dĂ©passĂ© toutes les attentes que nous avions, ce fut un accueil incroyable. Jâimaginais que ça allait avoir un accueil bien plus important que le roman, non pas que jâen sois trĂšs fier, mais on vit dans un monde qui vous oriente vers lâaudiovisuel, mais en rĂ©alitĂ© ça dĂ©passait tout », a-t-il expliquĂ© au Casa de MĂ©xico Ă Madrid Jorge Volpi, coproducteur en plus de la sĂ©rie. Il est rapidement devenu un sujet de discussion pour tous les acteurs politiques et une arme de jet du gouvernement dâAndrĂ©s Manuel LĂłpez Obrador contre ses rivaux actuels et passĂ©s, mĂȘme si, comme le dit Volpi, ce qui montre Lâaffaire Cassez-Vallarta : un roman policier est que « le systĂšme judiciaire ne sâest pas du tout amĂ©liorĂ© ces derniĂšres annĂ©es ».
Jorge Volpi, dont le roman est à la base de cette docu-série, à un moment donné de la premiÚre saison. Courtoisie (Netflix)
AprĂšs trois ans dâenquĂȘte approfondie sur cette affaire, Volpi a publiĂ© un roman policier, lâĆuvre sur laquelle repose le documentaire, qui, en bon morceau dâun dossier en construction, parvient Ă aller plus loin. « Je pense que la sĂ©rie affine dâautres perspectives, non pas quâelle ait radicalement changĂ©, mais elle a donnĂ© beaucoup plus dâindices sur la façon de tout interprĂ©ter », reconnaĂźt Volpi.
Ceux qui connaissent le mieux lâaffaire, qui naviguent le mieux dans le labyrinthe dâune affaire remplie de piĂšces, ont des questions et des thĂ©ories sans rĂ©ponse sur certaines des ramifications de lâaffaire. Cela nâarrive pas seulement aux producteurs ou Ă Volpi, mais aussi, par exemple, Ă la journaliste Emmanuelle Steels, auteur de Le thĂ©Ăątre de la tromperie (Grijalbo) et une des grandes valeurs du documentaire grĂące Ă la qualitĂ© de son tĂ©moignage. Sa reconstitution de lâaffaire sous forme dâenquĂȘte journalistique a Ă©tĂ© essentielle pour tout ce qui a suivi. « Ă ce jour, nous continuons Ă dĂ©couvrir. Ce nâest pas fini ici », assure Sam Baixauli. « Je crois que le pacte quâils ont fait [GarcĂa Luna y Palomino] Celui avec qui ils lâont fait pour garder le secret sera gardĂ©. Comme des milliers dâautres secrets qui seront emportĂ©s dans la tombe », conclut Pablo Cruz. Une affaire impossible, un documentaire passionnant dont le dernier chapitre nâa pas Ă©tĂ© Ă©crit. Câest donc arrivĂ© avec En sĂ©riela podcast ça a tout changĂ©. La libĂ©ration dâAdnan Syen aprĂšs 23 ans de prison accusĂ© dâavoir tuĂ© son ancienne petite amie prouve la puissance de certains supports audiovisuels pour faire vivre une affaire, mĂȘme si la vĂ©ritĂ© est impossible Ă saisir.
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SOURCE : Reviews News
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